Lettre N° 24 Parlons politique




La société israélienne est actuellement en pleine effervescence au regard des événements politiques relatifs aux prochaines élections à la députation qui se dérouleront le 9 avril prochain.

Il convient ici de rappeler que Nétanyahou a provoqué la dissolution du parlement la Knesset à la suite du refus de certains députés de sa coalition de voter la loi sur la circonscription des juifs orthodoxes jugée trop favorable par certains et inacceptable pour les députés orthodoxes.

Il faut dire que depuis la démission du ministre de la défense Lieberman le 14 novembre 2018 cette coalition ne comptait plus que 61 députés sur 120 soit une très faible majorité.

 Les sondages le donnaient en position extrêmement favorable dans la mesure où, dans contexte moyen-oriental très tendu sur le plan de la sécurité extérieure, il restait aux yeux de la population le seul homme providentiel capable de gérer la situation.

La gauche était fortement discréditée à la suite du coup de théâtre au cours duquel le représentant de l’union de la gauche Avy Gabbay a écarté Tsypi Livni, camouflet public critiqué de toutes parts.

Sur sa droite les parties très minoritaires ou religieux ne présentaient aucun danger pour sa réélection et ne pouvaient qu’adhérer à sa future coalition ou rester sur la touche.

La stratégie de Nétanyahou consistait à provoquer des élections anticipées avant une éventuelle inculpation dont l'imminence risquait de mettre son avenir politique en danger.

Rappelons qu'il existe pas moins de quatre dossiers d'enquête pénale pour des délits de concussions ou de pots de vin encore que leur caractérisation matérielle demeure bien nébuleuse.

A titre d'exemple, le premier dossier concerne des cadeaux (Cigares, champagne, etc...) offerts pendant de nombreuses années par un ami milliardaire américain dont la contrepartie apparaît en l'état comme inexistante.

Quelles sont les règles électorales en Israël:

Le gouvernement est composé en principe de députés élus au suffrage universel sur des listes nationales composées par les partis politiques.

Il y a 120 membres de la Knesset élus pour quatre ans et un parti doit obtenir une majorité de 60 sièges pour pouvoir composer le gouvernement, le chef du parti occupant les fonctions de premier ministre.

A défaut d'obtenir cette majorité de siège, le gouvernement est composé grâce à une coalition de divers partis recueillant au moins 6 sièges. Ceci suppose des négociations âpres et concessions par distribution des portefeuilles ministériels, mais pas seulement.

Des accords écrits peuvent prévoir de faciliter la votation une loi ou de l'empêcher.

Israël est une République parlementaire dont le Président n'a pas de fonction  exécutive mais simple autorité morale avec pour apanage de désigner le parti le plus à même de composer le gouvernement en fonction de la coalition qu'il est susceptible de réunir.

C'est en général le parti arrivé en tête, mais pas forcément.

Les députés nommés en qualité de ministre par le Premier Ministre continuent à siéger au Parlement et il y a une confusion entre pouvoir exécutif et législatif, précisément ce à quoi De Gaulle voulait mettre fin en promulguant la constitution de la cinquième république. 

C'est un système qui ressemble à notre quatrième république avec ses avatars et son instabilité notoire. 

Bref un vrai numéro de funambule.

Il n'existe aucune immunité parlementaire ce qui explique que les procédures pénales ne sont pas interrompues en cours de mandat.

C’est dans ce contexte qu'est apparu un candidat venu de nul part Benny Gantz ancien chef d’État major à la retraite mais sans aucun passé politique.

Il vient de créer le parti « Résilience pour Israël » ('Hossen Leisrael).

Dans un premier temps il a gardé le silence sans annoncer son programme politique de sorte qu’il a été taxé d’homme de gauche sans avenir sérieux.

Puis il a lancé sa campagne par une prise de parole très attendue lors d’un meeting le 29 janvier au cours duquel il a annoncé l’essentiel de son programme axé principalement sur la sécurité d’Israël, Jérusalem une et indivise, et le maintien de la présence de l’armée en Palestine aux accents patriotiques et rassembleurs.

Il a comparé la gouvernance actuelle à celle qui existait à l’époque de Louis XIV en déclarant que le premier ministre n’est pas roi en son pays et il a insisté sur l’éthique qui doit présider à l’exercice du pouvoir. « L’État ce n’est pas moi, l’État c’est vous, l’État c’est nous. »

Il convient ici de rappeler que de nombreux chefs d’État major à la retraite ce sont vus affectés  à des postes de responsabilité, voir intégrés  en qualité de ministre dans divers gouvernements.

Mais désormais, et ce serait une première, Benny Gantz vise le poste de premier ministre et souhaite apparaître comme le seul recours à une alternance à Bibi Nétanyahou.

Ce fils de rescapés de la Shoah titulaire de diplômes prestigieux s’engage dans les parachutistes en 1977 et gravit tous les échelons jusqu’au poste suprême de chef d’état-major.

Cette carrière le mène à participer à tous les conflits qui se sont déroulés sur le théâtre d’opérations militaires et notamment aux différentes intifadas.

Il jouit du prestige de l’uniforme et d’une réputation sans faille.
Si initialement son nouveau parti était crédité d’une douzaine de mandats à la Knesset, sa première allocution très appréciée lui promet désormais un nombre confortable de mandats et son alliance avec Yair Lapid (Centre) pourrait lui donner une avance sur Nétanyahou.

Classé de centre-gauche cette nouvelle union entre un chef d’état-major est un homme politique modéré représente une alternative inattendue mais sérieuse.

Le slogan de Benny Gantz: « Il n’y a plus ni droite ni gauche », ressemble quelque part à la montée en puissance spectaculaire d’Emmanuel Macron à la suite de la création d’un parti politique sorti de nulle part et qui a transcendé les élections.

L’événement qui pourrait changer la face les choses et enfoncer le clou réside dans l’inculpation du premier ministre pour corruption dans les différents dossiers d’enquête ouverts contre lui et dont le sort est suspendu à l’avis du conseiller juridique du gouvernement Mr Avihaï Mandelblit lequel doit s’exprimer dans les prochains jours.

Nota: Le conseiller juridique du gouvernement est un haut fonctionnaire indépendant nommé par le gouvernement sur proposition d'une commission composée de parlementaires, hauts magistrats et membres du barreau.

Il est chargé de donner un avis juridique sur la constitutionnalité des lois nouvelles et sur les dossiers intéressant les personnes publiques tel un Procureur Général suprême.

Il est évident qu’en cas d’inculpation, une partie de l’électorat risque de se détourner de Nétanyahou ce qui pourrait apporter un avantage spectaculaire au nouvel opposant.

Sommes-nous à la fin de l’ère Nétanyahou dont la réélection paraissait assurée faute de candidats sérieux en face de lui.

Mais pour gouverner en Israël il faut créer une coalition représentant plus de 60 députés et il y a loin de la coupe aux lèvres.

Jusqu’à présent Nétanyahou n'avait pu créer cette coalition qu’en ayant recours aux partis religieux représentant peu ou proue une dizaine de mandats.

 L’échiquier politique Israéliens demeure un véritable casse-tête pour constituer une coalition sans se perdre avec des partis minoritaires émettant des exigences souvent disproportionnées par rapport à leur représentativité.

Tel est le cas des partis religieux qui sont souvent incontournables pour obtenir une coalition stable mais oh combien tendancieuse et sous couvert de cadeaux ou d’avantages exorbitants.

C'est le cas actuellement.

D’aucuns considèrent que le but final de Benny Gantz n’est pas y accéder au pouvoir, mais d’obtenir de Nétanyahou le portefeuille de la défense dans le cadre d’une coalition de centre droite.

Ce plan B qui exclurait les partis religieux de la coalition, semble ne pouvoir se concrétiser qu’à la condition que Nétanyahou ne fasse pas l’objet d’une inculpation avant le 9 avril, tant Yair Lapid que Benny Gantz ayant déclaré qu’ils n’accepteraient pas de siéger aux côtés d’un homme dont la moralité et remise en question.

La tâche de Mandelblit est très délicate et il est pressé de toutes parts (hors le Likoud !), de rédiger l’acte d’accusation pour déstabiliser Nétanyahou ce qui arrangerait ses opposants acharnés a le faire tomber.

Attendons les prochains événements pour voir comment la société israélienne va réagir et si le parti Likoud de Nétanyahou va résister à la pression exercée par une inculpation qui parait désormais inévitable grâce à l’hypothèse aussi inattendue que providentielle d’une alternance appelée des vœux d’une partie importante de la population.

Aux dernières nouvelles, le conseiller Mandelblit vient de repousser les demandes des avocats de Nétanyahou et va publier son acte d'accusation.

Attendez-vous à un tsunami politique.




Commentaires

  1. La vie politique en Israël parait aussi transparente et honnête qu'en France !
    Mais il s'agit d'Israël et je ne me permets aucune critique.
    Conditionnel en deçà de la méditerranée, inconditionnel au delà (limité à Israël bien sûr)
    Merci pour ton éclairage personnel qui nous informe avec ta vérité .
    Amitiés
    Jean W

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