Lettre 52 Le kibboutz a-t-il un avenir ?


L'histoire d'Israël est liée de façon indéfectible au mouvement kibboutzique.

Un antisémitisme radical a sévi vers 1880 en Russie tsariste engendrant des pogroms meurtriers et a provoqué une première émigration massive vers l'Amérique, mais également dans une moindre mesure vers la Palestine.

Cette terre déshéritée est décrite par les divers voyageurs et pèlerins comme inhospitalière, rongée par la malaria et où la population locale avait le plus grand mal à survivre.

Ainsi après la campagne napoléonienne de 1798 le Moyen-Orient fut à la mode et nos meilleures plumes nous ont rapporté leurs constatations dans leurs carnets de voyage. Ainsi sur la ville de Jérusalem: 

Chateaubriand en 1806
Le paysage qui environne la ville est affreux; quelle désolation et quelle misère !
Dans cet amas de décombres, qu’on appelle une ville, il a plu aux gens du pays de donner des noms de rues à des passages déserts. Les maisons ressemblent à des prisons ou à des sépulcres. À la vue de ces maisons de pierres, on se demande si ce ne sont pas là les monuments confus d’un cimetière au milieu d’un désert. Entrez dans la ville, rien ne vous consolera de la tristesse extérieure : vous vous égarez dans les petites rues non pavées, qui montent et descendent sur un sol inégal et vous marchez dans les flots de poussière, ou parmi des cailloux roulants.
Flaubert en 1850
Jérusalem est un charnier entouré de murailles. Tout y pourrit, les chiens morts dans les rues, les religions dans les églises. Il y a quantité de merdes et de ruines.
Le Saint-Sépulcre est l’agglomération de toutes les malédictions possible. Dans un si petit espace, il y a une église arménienne, une grecque, une latine, une copte. Tout cela s’injuriant, se maudissant du fond de l’âme, et empiétant sur le voisin à propos de chandeliers, de tapis et de tableaux, quels tableaux ! C’est le pacha turc qui a les clefs du Saint- Sépulcre ; quand on veut le visiter, il faut aller chercher les clefs chez lui. Je trouve ça très fort ; du reste c’est par humanité.
En son temps, la Palestine était une province de l'empire ottoman et ses fonctionnaires corrompus vivaient de bakchichs.

Avec l'aide de diverses institutions juives qui collectaient des fonds dans les diasporas du monde entier, ou l'aide de généreux philanthropes tels Rothschild ou Montefiore il a été possible de faire l'acquisition de terres pour l'édification de fermes agricoles.

Il convient ici de préciser que tout au long de la formation de l'état, la totalité des terres qui appartenaient à des particuliers turcs ou arabes ont été achetées par le Keren Kayemeth Leisrael (KKL) fonds qui a centralisé la propriété foncière rurale et qui a loué les terres arables aux fermiers selon baux de longue durée (99 ans).

Les premières fermes agricoles collectives dites Kibboutzim ont été créées en 1910 par des juifs russes adhérant au mouvement sioniste d'influence socialiste.

Résultat de recherche d'images pour "premier kibboutz"Kibboutz, un siècle pour bâtir Israël
Premier kibboutz DEGANIA près du lac de Thibériade

Les Anglais envahissent la Palestine en 1917 lors de la première mondiale au cours de laquelle l'empire ottoman s'était allié avec l'Allemagne. 

Entrée du général anglais Allenby à Jérusalem

En 1920 la Société des Nations confie aux anglais mandat de gérer la Palestine avec mission d'y faciliter l'implantation d'un foyer juif, ce qui permettra l'arrivée de la seconde Alya et corrélativement le développement de kibboutzim dans l'ensemble du territoire.

Il y avait 150 kibboutzim en 1947, veille de la création de l'état. Ce chiffre va augmenter et à ce jour 273 localités ont le statut de kibboutz.
Historiquement, les membres des kibboutzim étaient perçus comme une élite, particulièrement militante et engagée. Ainsi, dans les années 1980, les officiers issus des kibboutzim représentaient près de 25 % du corps des officiers, pour à peine 3 % de la population.
La population résidant en kibboutz est égale à 106 000 personnes réparties sur 273 implantations, soit environ 1,16 % de la population totale israélienne au 1 octobre 2019 qui est de 9 092 000 habitants, selon le dernier pointage fait par le Bureau central des statistiques de l'État d'Israël.
La population des kibboutzim en chiffres:
AnnéeNombrePopulation
19101?
192012805
1930293 900
19408226 550
195021467 550
196022977 950
197022985 100
1980255111 200
1990270125 100
1998269116 500
Il s'agit à l'origine de communautés rurales, mais des activités industrielles ont commencé à y être développées dès les années 1940-1950.
À compter des années 1980, les kibboutzim ont connu des difficultés économiques, liées à un fort endettement et renforcées par la quasi-disparition des subventions de l'État. Celui-ci a finalement annulé la moitié de leurs dettes, l'autre moitié étant rééchelonnée par les banques.
Les kibboutzim ont dû réorganiser en profondeur leurs activités économiques. Les secteurs les plus porteurs : industrie, tourisme et services ont été développés. L'agriculture des origines a été reléguée au second rang (15 % des membres seulement y sont encore affectés). Il y eut d'ailleurs quelques faillites. Cependant, au début des années 1990, les kibboutzim avaient surmonté la crise, qui reste sans doute la plus rude de leur histoire.
Aujourd'hui, malgré quelques exceptions, les kibboutzim sont considérés comme en bonne santé économique et financière. Le niveau de vie des membres des kibboutzim est l'un des plus élevés d'Israël, ce qui suscite parfois la jalousie des communautés environnantes.

Crise des valeurs

Au-delà de la gestion collective et égalitaire du travail, les kibboutzim avaient également à l'origine développé un mode de vie collectiviste : prise des repas en commun, absence totale de propriété privée (même les vêtements étaient au moins théoriquement collectivisés), éducation en commun des enfants, qui ne vivaient pas avec leurs parents.
Depuis les années 1970-80, de nouvelles valeurs individuelles et familiales se développent dans les kibboutzim. La propriété collective, le travail collectif, l'égalitarisme social et la démocratie directe ne sont pas vraiment remis en cause. Mais des évolutions sont apparues, en particulier l'acceptation de la vie privée et de la vie de famille. Ainsi, aujourd'hui, il n'y a guère que le repas du midi qui soit pris en commun au réfectoire, et les enfants dorment chez leurs parents.
Les kibboutzim, souvent implantés aux frontières du pays, étaient placés en première ligne et connus pour conduire leur tracteur fusil à l'épaule. Leur idéal leur faisait accepter privations et dangers.

Monde moderne oblige, les choses ont bien changé. Havre de paix, le kibboutz est considéré comme un site privilégié et la plupart d'entre eux créaient des lotissements permettant d'augmenter sensiblement la population et ainsi de maintenir des services tels écoles, dispensaires etc...
En outre nombre d'entre eux développent des activités hôtelières de luxe. Le kibboutznik travaille généralement à l'extérieur, sa modeste demeure est devenue villa à faire pâlir les habitants de Tel-Aviv.
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Kibboutz DEGANIA aujourd'hui
La propriété privée a remplacé le collectivisme d'antan et nombre de kibboutzim ne conservent qu'un reliquat de vie communautaire et ressemblent davantage à des villages à l'abri des tracas de la grande ville, de la délinquance, et où les règles de respect d'autrui sont respectées.
Bref une qualité de vie très enviable.
L'idéologie socialiste a laissé place au confort bourgeois et à la réussite sociale. Mais au fond, n'est-ce pas ce que cherchaient à réaliser les fondateurs: Apporter une vie meilleure à ceux qui fuyaient les pogroms. 

(Sources partielles: Wikipédia)

Pour en savoir plus:








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