Lettre 62 Un état palestinien oui mais ?

Les élections troisièmes du nom approchent.
Le plan du siècle fait débat en Israël.
Il remet à l’ordre du jour la coexistence de deux peuples et deux états.
Mais qui y croit vraiment ?
Les palestiniens ont bien compris que leurs dirigeants, Abou Mazen en tête, étaient incapables de faire le poids face à un plan américain cousu main pour Israël.
D’un côté Israël se voit attribuer la souveraineté de territoires sans condition préalable, avec ou sans l'accord des palestiniens.
Par contre, le futur état palestinien est soumis à de multiples conditions. La première et non la moindre, reconnaître Israël comme état juif.
C’est méconnaître le statut des deux millions d’arabes israéliens qui y vivent à droits égaux mais relégués à une forme de libanisation de la société.
Certes, le monde arabe regorge de pays dits "islamiques" et la chose ne devrait pas choquer. Au contraire, c’est la reconnaissance d’un état de fait.
Mais le principe est fort.
C’est le cœur de la discorde ancestrale.
Kushner aurait pu en faire l’économie mais il a estimé qu’il était temps de mettre un terme à cette hypocrisie. L'hymne national, le drapeau frappé de l'étoile de David, la langue hébraïque ancestrale modernisée, la montée des juifs de la diaspora vers Jérusalem, la bible et les lieux saints, tout respire l'âme juive.
La deuxième condition est une suite logique de la première : renoncer au droit au retour.
On ne peut à la fois exiger la création de son état et en même temps réclamer la réintégration dans les villes et villages abandonnés en 1948 lors de la guerre d’indépendance qui succéda au premier plan de partage, celui-là même qui avait été refusé par les palestiniens.

Dans la réalité, accepter ces deux conditions ne pose aucun problème tant elles collent à une situation de fait incontournable.
Le problème serait-il ailleurs?
A quoi ressemblerait cet état palestinien de deux millions d’habitants sans ressources flanqué entre Israël et la Jordanie?
A rien d’autre qu’à un territoire sous respiration artificielle réduit à la misère à côté d’un état florissant et en pleine expansion.
Pas très réjouissant !! La paix doit aussi passer par l'égalité économique.
En voici une preuve significative.
Le plan prévoit la possibilité d’échanger des territoires pour redessiner la frontière et inclure dans chaque état des villes relevant de sa souveraineté naturelle.
Ainsi certaines villes arabes d’Israël pourraient basculer en Palestine au grand dam de leur population qui jouit de la citoyenneté israélienne.
Le maire de la ville de Tira (30.000 habitants) s’en est ému en dénonçant le plan du siècle: « Dire qu’après plus de 70 ans nous ne sommes pas considérés par le gouvernement comme des citoyens de l’état d’Israël à part entière et notre citoyenneté est remise en doute. »
Il a écrit aux maires des autres villes arabes concernées estimant que le plan du siècle était une chance véritable pour la paix tout en s’inquiétant sur cette éventualité d’échanges de territoires. Il écrit :
« Nous avons d’excellentes relations de voisinage avec les villes juives voisines, un respect mutuel et une collaboration active, le tout en égalité de droit dans le pays d’Israël de sorte qu’il est hors de question de nous séparer."
Ce maire a vu le danger et à bien compris ou se trouvait l’intérêt de ses administrés.
Et il poursuit sa démonstration en louant la parfaite intégration des communautés juives et arabes:

« Nous sommes une seule et même agglomération, nos habitants circulent partout , font leurs courses dans les villes juives et vice-versa, les clients juifs sont bienvenus, nous comptons quinze ouvriers juifs dans la municipalité, de nombreuses entreprises juives se sont implantées chez nous, nos administrés mènent une vie honorable avec des relations humaines réciproques. Je déplore qu’après 70 ans de contribution active à ce pays dans tous les domaines, nous demeurons des citoyens sous conditions".
Ce maire est-il une exception ? Ou se doit-on d'admettre que l'ensemble des populations arabes israéliennes vivent en osmose avec leur congénères juifs ?
La réponse comme toujours n'est pas aussi tranchée. Ce qui est sûr, c'est que la réaction de ce maire en dit long sur la qualité de vie des arabes israéliens au regard de celle dont souffre les palestiniens ainsi que l'ensemble des populations de pays arabes environnants.
Dans un reportage passé récemment sur les chaines françaises, le journaliste interrogeait un maçon palestinien sur un chantier de construction colons juifs en Palestine.
Question: "Mais pourquoi acceptez-vous de travaillez pour ces occupants?"
Réponse: "C'est mon gagne pain et je suis payé au triple que ce que je gagnerais sur un chantier palestinien"
Question: "Et vous seriez d'accord de travailler et vivre en Israël ?"
Réponse: "C'est la meilleure chose qui pourrait m'arriver!"
Des tas de gens s'expatrient pour avoir une vie meilleure. Voyez les médecins des pays de l'est, ou les travailleurs polonais et avant eux toutes ces populations d’Italie, d'Espagne, du Portugal puis de Turquie qui sont venues migrer vers la France, sans parler des migrants de ce jour.
Y-a-t-il une malédiction qui s'attache à cet espoir d'une vie meilleure ? Certainement non.
L'émigré est certes un citoyen de seconde zone jusqu'à son intégration complète même s'il faut compter parfois quelques générations.
Alors pourquoi ce maçon palestinien ne pourrait-il pas espérer que ses enfants disposent d'une meilleure éducation et d'un avenir en travaillant pour "l'ennemi". Mais sans argent l'honneur n'est qu'une maladie. (Jean Racine)


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