Lettre 69 Effondrement de l'empire ottoman

Pour comprendre le présent et présager l'avenir il nous faut perpétuellement nous replonger dans le passé.

Pourquoi a-t-il fallu attendre 2000 ans pour voir renaître l'Israël biblique. Quels sont les ingrédients historico-politiques qui ont permis une telle prophétie de se concrétiser.


Théodore Herzl  journaliste autrichien 

Fidèles lecteurs, vous savez à n'en pas douter que c'est la situation catastrophiques juifs en Russie tsariste face aux pogroms qui les ont poussé à "monter" (Alya en hébreu) en Palestine  vers 1880 et que sous l'impulsion du père du sionisme moderne HERZL  un foyer national juif a vu le jour après la chute de l'empire ottoman démantelé en 1918.

Mais revenons en arrière.

La Palestine était une vague province d'un empire ottoman immense fondé en 1299 et qui s'étendait sur l'ensemble du Moyen-Orient, l'Afrique du nord et au nord jusqu'aux frontières des empires Tsariste et Austro-Hongrois.



Possession de l'empire ottoman au cours des siècles

Sa puissance ne va cesser de s'affaiblir jusqu'à son effondrement en 1922 pour se réduire à l'actuelle Turquie .

Cet empire était composé d'une incroyable mosaïque de peuples et de croyants pratiquant diverses langues et religions.

Il aura suffit de moins d'un siècle pour assister à son effondrement.

La religion musulmane était religion d'état et les non-musulmans étaient de statut inférieur organisé en millet, sorte de congrégation régie par ses règles propres mais souffrant de taxes et privées de certains droits.

Pendant quatre siècles ce système social va se perpétuer permettant aux diverses communautés de vivre cote à cote.

Mais au 19ème siècle, ce système confronté aux idées politiques nouvelles issues de la révolution française, ne résistera pas aux revendications libertaires des différents peuples soumis.

Les grecques orthodoxes seront les premiers à se révolter vers 1830 dans un mouvement identitaire national hostile aux pachas de Constantinople.

Ils seront soutenus en cela par les russes en quête d'une sortie sur la méditerranée (Passage des Dardanelles) et par les grandes puissances européennes en pleine expansion  coloniale.

Les grecques obtiendront leur indépendance ce qui par contagion permettra l'émancipation des peuples slaves.

Le pouvoir central mal implanté dans les provinces périphériques sera impuissant à résister à cette pression étrangère. Il va s'en prendre aux minorités chrétiennes (Répression des bachi-bouzouks) provoquant l’ire des puissances européennes. 


Bachi-bouzouks ottomans réputés pour leur barbarie

En 1877 la Russie lui déclare la guerre. Le Tsar rêve de prendre Constantinople et écrase l'armée ottomane.

Un premier démantèlement aura lieu avec création d'états slaves autonomes à majorité chrétienne (Bulgarie, Serbie, Montenegro Roumanie) sous tutelle russe.

L'empire va se recentrer et tenter de se moderniser vers la fin du 19ème siècle grâce aux investissements réalisés par les européens dans les banques, les mines et les chemins de fer. Constantinople et l'Orient sont à la mode et une certaine bourgeoisie va  y prendre pied.

Le traité des capitulations octroyait aux puissances européennes, la France notamment, des privilèges aux chrétiens prenant résidence dans les possessions ottomanes.


Traité de capitulation de 1559 au profit de la France

Ces capitulations, sorte de laisser-passer, octroient aux français des avantages considérables avec une liberté du commerce et exemption de tous impôts.

Mais l'empire endetté est incapable de faire face à ses obligations. La France et l'Angleterre qui protégeaient l'empire ottoman vont profiter de cette faiblesse pour exiger des concessions territoriales.

La France qui avait déjà accaparé l'Algérie s'emparera de la Tunisie en 1881 et la Grande Bretagne envahira l'Egypte en 1882 et se rapprochera ainsi de son empire colonial d'Inde via le Canal de Suez.

La Prusse, troisième puissance commerciale va voler au secours de l'empire ottoman. Le Kaiser Guillaume II se rend à Istanbul en visite officielle. C'est à cette occasion qu'il va se rendre en Palestine ottomane et rencontrera Théodore Herzl en 1889 lequel avait hésité quant à son utilité sachant que le Kaiser se déclarait protecteur du peuple musulman.


Rencontre du Kaiser et de Herzl à Jérusalem 

Les allemands vont développer des projets importants telle la ligne ferroviaire de Berlin à Bagdad.

En 1900, la ligne ferroviaire du Hedjaz reliant Damas à Médine est construite avec l'aide des Allemands. Elle a pour but de développer le pèlerinage à la Mecque dans un pays dont la population est désormais essentiellement musulmane.

Notons que cette ligne comportait une connexion en Palestine passant par Saint-Jean d'Acre, Haïfa, Afula et Beit Shean.

Cette ligne ancienne et abandonnée a été restaurée récemment sur cette portion israélienne pour desservir la vallée de Jézréel. 


Ligne ferroviaire du Hedjaz


La guerre des Balkans (1912-1913) au cours de laquelle les états chrétiens slaves formant la ligue balkanique (Serbie, Bulgarie, Grèce et Montenegro) vont  émettre des prétentions territoriales envers l'empire ottoman. 

 Un nouveau découpage de territoires va en résulter façonné en fonction de la religion des populations. Mais la région représente une véritable poudrière, la Serbie devenant une menace pour l'Autriche-Hongrie et l’attentat contre l'archiduc d'Autriche à Sarajevo suffira à provoquer la première guerre mondiale.

Par le jeu d'alliances complexes, la guerre est déclarée. Face aux agressions extérieures des grandes puissances, l'empire ottoman affaibli se trouve isolé sur la scène internationale. Il est menacé par la Russie et les britanniques.

Le seul allié possible demeure l'Allemagne et une alliance germano-turque sera signée en juillet 1914. 

En dehors de la victoire de Gallipoli, les turcs ne remporterons aucun succès ni au nord contre les russes, ni au sud en Egypte, territoire envahi auparavant par les anglais, lesquels remonteront jusqu'à Jérusalem.


Le général Allenby entre à Jérusalem en 1917

Le 30 octobre 1918 les turcs capitulent.

Les alliés anglais français et italiens occupent l'essentiel du moyen-orient. En 1920 ils se retrouvent à San Remo et se partagent les territoires arrachés à l'empire ottoman.

De nouveaux états vont naître. Pour Israël c'est l'époque d'une seconde vague d'immigration massive mais le chemin sera long et semé d’embûches jusqu'en 1948.

Que faut-il retirer de ces événements ?

Une langue, un territoire, une culture, ces trois éléments sont les ferments d'une nation et comme dit le dicton populaire : Mélangez l'eau et l'huile, même en secouant très fort, ils finiront par se séparer.

La guerre des Balkans ne fut rien d'autre qu'une guerre ethnique qui a conduit en seulement 50 ans au démantèlement d'un empire fort convoité et affaibli par des dissensions internes.

Comme disait l'oracle de Delphes au roi de Grèce venu le consulter : Un empire s'agrandira, un autre s'effondrera!  
Rien de neuf sous le soleil.