Lettre 76 Le peuple aux barricades

Voila six mois que la coalition Likoud/Bleu-Blanc dirige le pays dans le cadre d'un accord de rotation dont les premiers 18 mois sont aux mains de Natanyaou.

A-t-on naïvement cru que Natanyaou avait la ferme intention de transmettre le flambeau à son homologue Benny Ganz à l'issue de ce demi-mandat soit en automne 2021 ?

Accordons lui ce crédit, ça ne coûte rien.

Mais alors pourquoi tant les bruits de couloirs que les premiers désaccords politiques donnent-ils la nette impression que les élections quatrième du nom se rapprochent de jour en jour.

La crise de la Covid 19 n'en finit pas de sévir et l'économie en a été impactée surtout au détriment des plus vulnérables et des indépendants.

Le confinement a été sévère mais le déconfinement progressif  a laissé sur le carreau plus de 20 % de chômeurs dans un pays qui connaissait le plein emploi. Les aides pour les indépendants dépourvus de revenus ont tardé et sont manifestement insuffisantes.

Le mécontentement populaire grossit et la révolte gronde sur fond de crise financière. 

Jusque la, les opposants politiques de Bibi se réunissaient depuis des années chaque vendredi soir sur la place Rabin de Tel-Aviv et criaient "Prime Minister = Crime Minister !!

Israël: nouvelle manifestation à Tel-Aviv contre le gouvernement ...

Combien étaient-ils ? 500 peut-être.

Mais aujourd'hui, ces manifestations ont lieu dans tout le pays et réunissent pas seulement des opposants, mais aussi ce qu'on pourrait comparer à nos gilets jaunes, chacun ayant sa propre motivation.

Çà vous rappelle quelque chose bien sûr.

Il agitent des drapeaux noirs dans les ronds points. 

Pas ceux de l'anarchie, au contraire, ceux de la mort de la démocratie. A les entendre, ils reprochent à Bibi d'agir plus dans son intérêt personnel que pour la défense du peuple.

Des manifestants à Tel Aviv le 11 juillet 2020.
Pas d'argent, pas de pain, pas d'espoir !!!

La violence fait son apparition.

Ce premier constat appelle à analyser les fondements de cette fracture entre deux camps décidément irréconciliables. 

Une partie importante des électeurs qui ont voté contre Bibi en mettant leur bulletin au nom de Bleu-Blanc se disent trompé par cet accord de coalition qui redonne la main à celui qui les insupporte.

La coalition bat de l'aile et se trouve à la croisée des chemins. Ganz doit soit se soumettre au dictât de Natanyaou, soit provoquer de nouvelles élections.

Sur le fond de quoi s'agit-il ? 

Jusqu'alors, le budget de l'état était voté pour une période de deux années apportant une stabilité nécessaire au fonctionnement des institutions.

Les accords de coalition maintiennent ce principe mais le Likoud milite pour l'adoption d'un budget annuel cadré sur la seule année 2020 en cours, motif pris de la pandémie. Mais ceci risque de poser de graves problèmes voire  la chute du gouvernement en 2021 si un désaccord se produit et empêcher ainsi la rotation. CQFD !!

Et Bibi a trouvé du soutien auprès du ministère du budget lequel affirme être dans "le brouillard" quant à la reprise économique face aux dépenses importantes auxquelles il faudra faire face. Il serait donc impossible de ficeler un budget sur un si long terme.

Et que dire en cas de seconde vague !

A supposer que Ganz se couche, un second projet de loi pose de grave problème d'éthique: Une loi qui viendrait autoriser le parlement à passer outre l'annulation d'une loi par la Cour Suprême, la bête noire de Bibi. Il suffirait d'un second vote.

Le parlement retrouverait ainsi sa prédominance sur les Juges, une sorte de démocratie autocratique sous contrôle restreint. Une séparation des pouvoirs mettant les juges suprêmes hors jeu, notamment sur la question de l'annexion de la Palestine.

Il existe certes une loi dite fondamentale, mais dans cette démocratie parlementaire, il n'y a pas de constitution comme dans la république, donc pas de Conseil constitutionnel chargé de veiller à la constitutionnalité des lois. 

La cour suprême de Jérusalem est donc amenée parfois à juger en éthique autant qu'en droit ce qui lui est reprochée comme une immixtion dans le pouvoir législatif. Une forme d'activisme législatif.

Ganz a prévenu qu'il refuserait de voter cette loi laquelle selon lui mettrait la démocratie en péril. Pourtant il faudra bien tôt ou tard trouver un équilibre entre ces deux pouvoirs qui s'affrontent dans l'ombre du procès pénal dont Natanyaou fait l'objet. 

Il faut admettre que le peuple a de bonnes raisons d'être inquiet. Quand il a faim, la prise de la bastille n'est pas loin.

Les dangers sécuritaires extérieurs semblent être passés au second plan. Pourtant la frontière nord est sous haute surveillance.

Wait and see.


 

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