Lettre 81 Le Kibboutz

 L'une des plus belles inventions israéliennes!

Mais qui étaient celles et ceux qui réalisèrent cette folle aventure communautaire. Quelle spiritualité les a-t-elle inspirés ?

L'histoire commence vers 1880 en Russie tsariste, période où les pogroms étaient monnaie courante; où les cosaques avaient droit de vie et de mort sur une population juive sans droit, réduite aux petits métiers.

Les pères fondateurs du kibboutz étaient imprégnés des idéaux socialistes et de l'esprit d'une époque qui déboucha sur la révolution russe. Ils étaient aussi profondément sionistes, préconisaient le retour au pays d'Israël et le travail de la terre, et partageaient la conviction qu'ils hâteraient par ce moyen la création d'une nouvelle identité juive. Leurs initiatives exprimaient leur visée politique : l'établissement de colonies juives en Palestine.

L'idéologie du kibboutz puise ses racines dans le parti Hapoel Hatzaïr (Le jeune travailleur), un parti politique influencé par le socialisme populiste russe, dont le principal inspirateur est Aharon David Gordon. L’idéal prôné est celui d’un socialisme rural, anti-industriel et anti-autoritaire, très marqué par l’anarchisme (refus des structures élues). 

Aharon David Gordon — Wikipédia

Aaron Gordon (09/06/1856 à 22/02/1922)

En ces temps reculés, la Sublime Porte régnait sur la province de Palestine et n'y autorisait l'immigration que moyennant des bakchichs car les hauts fonctionnaires l'empire ottoman étaient corrompus.

Pendant 30 ans, ces jeunes pionniers vont se heurter aux pires difficultés face à une terre aride ou de marais infestés par la malaria.

En 1910, un petit groupe de jeunes immigrants fondent sur les rives du lac de Tibériade le premier kibboutz nommé Degania, puis un second en 1913 nommé Kinneret.

Kibboutz Degania en 1910

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Degania aujourd'hui

Leur kvoutza (« groupe ») se veut démocratique et égalitaire, fondé sur la propriété collective des moyens de production et de consommation. Un cadre de vie où tous les membres prennent les décisions à la majorité, et se partagent équitablement droits et devoirs.

La vie était dure, les travaux centrés sur l'agriculture, laquelle impliquait l'assèchement des marais, l'épierrage des collines et la fertilisation de terrains désertiques. Le tout sur fond de chaleur torride, de paludisme endémique et de maladies intestinales.

La vie sociale se déroulait au réfectoire, où tous les membres se retrouvaient pour prendre leurs repas et discuter. Les décisions étaient prises par l'assemblée générale, au vote majoritaire. Au cours des débats, qui souvent se poursuivaient tard dans la nuit, les membres décidaient de l'attribution des travaux quotidiens, des corvées de cuisine et autres, et traitaient également des problèmes d'actualité.

L'implantation des kibboutzim relevait aussi d'un choix stratégique puisque nombres d'entre eux étaient positionnés aux frontières et assuraient leur propre défense face à une population arabe souvent hostile, surtout à compter de la création de l'état en 1948.

Pendant les 75 années qui suivirent sa création, la population des kibboutzim s’est constamment accrue pour atteindre 125.000 personnes réparties sur 270 implantations.

Kibboutz, la nouvelle vague - The Jerusalem Post

Maison des enfants et leur éducatrice

Pour dégager les parents de toute contrainte domestique, le kibboutz collectivise tous les services (Laverie, repas, véhicules, scolarité).

Les enfants depuis leur naissance sont placés dans une crèche puis à l'école et dorment dans un bâtiment qui leur est affecté où ils sont éduqués par des éducateurs eux-mêmes membres du kibboutz et selon les principes de la vie en collectivité.

Ainsi les logement des parents se réduisent au strict nécessaire pour le couple. Les enfants "rendent visite" aux parents à leur retour du travail mais regagnent leur home le soir venu. Les parents ne sont dérangés qu'en cas d'ultime nécessité.

L'enfant vie dans un groupe autonome et solidaire, séparé des parents avec des relations privilégiées avec les éducateurs.

Ce mode d'éducation qui se justifiait dans les périodes où l'idéal sioniste primait, va trouver ses limites lorsque le confort va permettre aux familles d'obtenir des logements adaptés pour  y accueillir les enfants.

Visite du kibboutz Ma'agan Michael en Israël : une expérience incroyable

Maison type des années 1980

 L'aventure du kibboutz va permettre de développer une agriculture mécanisée et moderne bien connue sous le sigle de "Jaffa".

Nombre d'inventions seront testées dans l'élevage et les plantations, la plus connue étant l'arrosage par tourniquet ou par goutte à goutte.

Des systèmes de micro-irrigation accessibles à l'échelle mondiale | Rivulis

A partir des années 1960, le kibboutz va changer de visage et se lancer dans l'industrialisation puis dans le tourisme.

Une forme d'embourgeoisement va progressivement atténuer l'idéologie pionnière et le modernisme va pénétrer cette société qui était jusque là imperméable au consumérisme.

Dans les années 1990 trois chamboulements vont produire des effets néfastes qui vont le mettre à mal: politique, financière et sociale.

Le Likoud va remplacer le parti travailliste et supprimera les subventions et aides dont bénéficiaient les kibboutzim.

Une hyper-inflation (qui atteignit le chiffre record de 450 % en 1984) et des taux d’intérêt exorbitants provoquèrent une récession quasiment fatale pour les usines des kibboutzim dont certains se trouveront au bord de la faillite.

Sur le plan social, l'unité de la collectivité est progressivement remplacé par la cellule familiale avec des exigences de confort qui contrarient les théories égalitaires. Désormais les enfants vivent avec leurs parents et nombre d'entre eux quittent le kibboutz après leur service militaire.

La propriété privée a fait son apparition et les membres sont payés en fonction de leur qualification; nombre d'entre eux travaillent à l’extérieur. Chacun possède sa maison, sa ou ses voitures. On assiste à une forme de désintégration des services collectifs: Fermeture de la salle à manger, du service de lingerie, enfin bref tout ce qui caractérisait la vie en communauté. Les membres paient pour les services encore existants.

Seule la scolarité semble échapper à cette tendance réductrice et pour maintenir les classes, le kibboutz ouvre ses terrains à la construction lesquels ne sont plus restreints aux seuls enfants du kibboutz. Ces terrains sont très recherchés par les citadins en raison de la qualité de la vie rurale et du niveau social qui y règnent.

De la même manière, des artisans et industriels extérieurs implantent leur activité dans ces zones rurales encore vierge et profitent d'une main-d'oeuvre qualifiée.


Kibboutz hotel Ein Guedi sur la mer morte

On peut dire en conclusion que le mouvement kibboutzik a pris un virage obligé pour répondre à la demande des troisièmes et quatrièmes générations dont la vision spirituelle avait évolué.

Le kibboutznik n'est plus le soldat-pionnier portant arme sur l'épaule en conduisant son tracteur et défrichant une terre inculte.

Le niveau de vie et intellectuel des membres d'un kibboutz est très supérieur à la moyenne nationale ce qui permet d'affirmer que cette expérience a porté ses fruits.

Il a eu ses heures de gloire et continue à insuffler un sionisme moderne dans la société actuelle.





Commentaires

  1. Quelle belle expérience d’y avoir été accueilli dans les late sixties; merci de réveiller ces souvenirs !

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