Lettre 84 Israël est né du sang et des larmes

 L'Etat d'Israël est né du sang et des larmes des juifs d'Europe.

Peuple mille fois martyr sous l'accusation deux fois millénaire de déicide. Peuple errant et disséminé autours du bassin méditerranéen depuis l'an 70 lorsqu'il fut chassé de sa patrie ancestrale par les Romains après le saccage de Jérusalem et la destruction de son Temple. 

Légion romaine emportant à Rome les vestiges du Temple

Le 19ème siècle fut une longue litanie de pogroms perpétrés principalement en Russie tsariste soit par les cosaques, soit par la population locale avec un point culminant de 1880 à 1914; et on estime à 2 millions le nombre de juifs qui émigreront vers l'Amérique pendant cette période.

Cette oppression sera le terreau des mouvements sionistes dont Théodore Herzl sera le théoricien visionnaire évoqué dans son livre Der Judenstaad (l'Etat des juifs) paru en 1896.


Un juif va pleurer toutes les larmes de son corps pendant son  internement de 12 longues années à l'île du diable en 1895: Le capitaine Albert Dreyfus accusé à tort du crime de haute trahison.


 












Dreyfus est dégradé puis déporté à l'île du diable (Cayenne)

Il avait le tort d'être juif mais aussi Alsacien, sa région d'origine occupée par l'Allemagne après la guerre de 1870 et où il rendait visite à sa famille. Donc doublement suspect.

Mais cette tragédie va réveiller les consciences et Théodore Herzl, alors journaliste autrichien chargé de couvrir la scène de la dégradation fut horrifié par les cris de la foule "mort au juif". Le sort de Dreyfus éveillera en lui cette nécessité d'une terre d'asile.

La migration vers la Palestine va s'amplifier à partir de cette période. 

La situation va se calmer au début du 20ème siècle puis interviendra la Shoa dont il est inutile de décrire ici l'horreur. Le monde entier va découvrir l'insoutenable génocide dont la seule réponse possible sera la création d'un pays refuge pour ce peuple mil fois martyr.

A la libération des camps de la mort en 1944-45, Israël qui n'était encore que Palestine, comptait une population juive d'environ 750.000 âmes sous mandat anglais.

Les survivants de l'holocauste estimés à quelques 100.000, généralement apatrides, n'étaient pas les bienvenus dans leur pays d'origine et vont errer de port en port pour tenter de rejoindre finalement la Palestine.

C'est l'histoire bien connu du bateau EXODUS lequel quitta le port de Sète le 11 juillet 1947 avec 4.500 passagers à bord.


Il est arraisonné par la Royale Navy devant le port de Haïfa et l'ensemble de ses passagers vont être enfermés dans des bateaux- cage pour être réexpédiés en France où ils refuseront de débarquer; puis en Allemagne (!!) où ils débuteront une grève de la faim pour être finalement internés dans un camp anglais à Chypre, île également sous contrôle de sa majesté.

Leur sort  a ému l'ensemble de la planète et sera là encore un évènement majeur pour l'aboutissement de la création de l'état d'Israël.

La période qui nous intéresse est celle courant de 1945 à 1948, peu avant la création de l'état d'Israël.

La couronne d'Angleterre se trouvait entre le marteau et l'enclume car la Palestine était au bord de la guerre civile depuis le soulèvement de 1936. Les arabes autochtones face au flot d'immigrants juifs n'acceptaient pas l'idée de la création d'un état juif et la partition du territoire. Ils provoquaient des émeutes tant contre les juifs que contre les Anglais.

Bien que les juifs aient été fidèles aux alliés, avaient combattu aux côtés des Anglais dans les brigades juives au cours des deux guerres mondiales, alors que les arabes avaient fait allégeance au régime nazi, le livre blanc avait été instauré par Winston Churchill dès 1922 alors qu'il remplissait les fonctions de secrétaire aux colonies.

S'il réaffirme le droit au retour du peuple juif sur sa terre ancestrale, il pose néanmoins des conditions tendant à la limitation de l'immigration.

A partir de 1939, et pour calmer les tensions liées au soulèvement de la population arabe, le quota de visas est fixé à 75.000 sur cinq ans, chiffre notoirement insuffisant  au regard du nombre de personnes fuyant le régime nazi, ou cherchant une terre d'accueil après l'holocauste.

Il faut savoir qu'à la libération des camps à la fin de la guerre, des centaines de milliers de personnes sont sans famille, en situation plus que précaire, sans destination et doivent être prises en charge.

Des camps de personnes déplacées sont improvisés par les alliés en Allemagne et en Autriche avec l'aide des Nations Unies et dont le plus grand fut  le camp de Föhrenwal en Bavière.


C'est pour mettre fin à cette errance que les organisations sionistes vont agir pour affréter des bateaux en partance pour la Palestine en forçant le blocus de la marine Anglaise.

La plupart finiront à Chypre dans des camps de personnes déplacées anglais. Après des mois, des années passés dans des camps de concentration ou de travail, puis dans des camps de personnes déplacées, ils espéraient aller vers la liberté parmi les leurs. 

Ils vont se retrouver dans des camps de détention, derrière une double rangée de barbelés de plus de quatre mètres de hauteur, entourés de miradors, gardés par des militaires britanniques armés.


Camp de Famagouste à Chypre

Les camps de détention de Chypre ont été ouverts en août 1946.  

52 000 Juifs y seront internés. Les Britanniques les considèrent comme des prisonniers de guerre. Les conditions de vie dans ces camps sont très difficiles. 

Ces camps sont vite saturés et les nouveaux arrivants sont entassés. 

Dans un même cantonnement des familles et des personnes seules vivent dans la promiscuité. Il n’y a ni intimité, ni électricité, ni meubles sauf des lits. La nourriture est insuffisante et de mauvaise qualité. Tout fait défaut : vêtements, chaussures, médicaments… 

Même l’eau manque et particulièrement pendant les mois d’été les conditions sanitaires se détériorent et infections et maladies de peaux prolifèrent.

Pourtant la vie s'organise grâce aux mouvements sionistes qui mettent en place des écoles improvisées pour les enfants, des formations professionnelles et culturelles voire militaire dans le but avoué de préparer ces futurs Israéliens à s'intégrer dans leur nouveau pays.

Comparaison n'est pas raison, mais en contrepoint, la population arabe palestinienne déplacée lors de la guerre d'indépendance de 1948 se trouve toujours dans les camps de réfugiés 72 ans après, et la situation semble devoir perdurer puisqu'elle n'envisage pas de s'intégrer dans les pays d'accueil comme le Liban ou la Jordanie.

Face à l'intransigeance des Anglais, les autorités juives vont intensifier leur pression sur l'armée anglaise et l'Irgoun, organisation extrémiste juive va perpétrer un attentat contre l'Hôtel King David de Jérusalem servant de quartier général militaire et causant 91 morts. (22 juillet 1946)

Hôtel King David à Jérusalem

Peu après l'Angleterre déclarera mettre fin à son mandat et son armée quittera la Palestine laissant face à face deux populations revendiquant la même terre.

Israël déclarera son indépendance et les frontières seront enfin ouvertes mettant fin à l'errance des juifs déplacés.

Quittant Chypre pour arriver au port de Haïfa, les hommes se verront remettre aussitôt un fusil puisque débutera la guerre d'indépendance consécutive à l'invasion du pays par les pays arabes voisins. Ils auront parfois survécu la Shoa pour tomber au champs d'honneur!!

Pour eux, la vie n'a pas été un long fleuve tranquille. Ils ont de quoi meubler les longue soirées d'hiver. 

Du sang et des larmes, il y en aura encore lors des deux guerres 1967 (Guerre des six jours) 1973 (Guerre du Kippour).

Et en même temps, comment ne pas évoquer les innombrables attentats contre les autobus, les marchés, les restaurants dont le dernier le 8 juin 2016 en plein Tel-Aviv.

C'est le prix à payer.

Faire fleurir le désert, apporter la lumière et le progrès ne constituent pas une cause légitime suffisante. La foi divise et brise les consciences. Nous en payons désormais le triste prix en France aussi.



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