lettre 87 Comment Israël est devenue une puissance nucléaire

 On dit d'une énigme qu'elle est mieux gardée que le secret de la bombe atomique; et lorsque l'affaire est éventée, que c'est un secret de polichinelle.

Tel fut bien le cas de la bombe atomique israélienne et pendant très longtemps, aucune révélation n'a permis d'affirmer ou d'infirmer qu'Israël faisait partie du cercle très fermé des puissances nucléaires.

L'affaire commence en 1949 c'est-à-dire dès après la création de l'état et la fin de la guerre d'indépendance au cours de laquelle la totalité des pays arabes voisins s'étaient ligués pour tuer dans l'œuf  cet ulcère en terre d'islam.

Il faut se souvenir que les USA avaient fait usage de cette arme terrible en 1945 pour mettre le Japon à genou et écourter d'autant une guerre par trop sanglante.

Pour faire face à la menace qui constituait une véritable épée de Damoclès sur le destin d'Israël, David Ben Gourion premier ministre d'alors avait approché les Américains pour obtenir une aide dans ce domaine. 

Mais Russes et Américains étaient déterminés à rester seuls maîtres en la matière, dissuasion oblige.


Première bombe atomique

La doxa voudrait que ce soit la France qui lui aurait mis le pied à l'étrier. La vérité est plus nuancée.

La France de l'après-guerre était également entrée dans la course à l'armement pour demeurer dans la cour des grands. Mais il lui manquait des éléments techniques importants pour faire aboutir son projet. Il lui fallait se tourner vers les Américains qui ne laissaient rien filtrer.

Israël était la clé!!

Dans le même temps, la France faisait face aux "évènements d'Algérie" et il était clair que de nombreux pays arabes et principalement l'Egypte de Nacer armaient et finançaient le FNL.

Selon le bon vieil adage les ennemis de mes ennemis sont mes amis, la France a fait alliance avec Israël et une forme de complicité s'est mise en place. La France avait la technologie, Israël disposait de liens privilégiés avec les USA et apportait ainsi le savoir faire.

Ce mariage d'intérêt permettait aussi à la France de laver  le déshonneur de la collaboration avec le régime nazi.

Cette alliance sera scellée lorsque le président égyptien Nacer fermera le canal de Suez à la navigation israélienne avant de le nationaliser en 1956. Paris et Jérusalem feront front commun et décideront d'intervenir aux côtés de la Grande-Bretagne pour envahir le Sinaï et forcer le blocus. 



En octobre 1957, Paris et Jérusalem passent des accords diplomatiques et techniques et lancent véritablement le programme nucléaire clandestin, supervisé par Shimon Pérès et financé par des fonds secrets prélevés sur le budget du ministère israélien de la Défense.

La France avait promis de fournir la centrale nucléaire de Dimona, dans le désert du Néguev, de sorte qu'après la campagne de Suez, Paris envoie plusieurs centaines de techniciens, livre un réacteur nucléaire de 24 mégawatts en 1958.

Complexe nucléaire de Dimona dans le désert du Neguev

Le contrat prévoit également la construction d'une usine souterraine de séparation isotopique. En échange de son soutien déterminant, la France espère «bénéficier de la technologie américaine, à laquelle les scientifiques israéliens sont supposés avoir accès», explique l'historien Pierre Razoux.

L'artisan et cheville ouvrière de ces relations bilatérales est Shimon Peres. Il est «chez lui», au ministère de la Défense à Paris.

A l'époque, la gauche est au pouvoir dans les deux pays amis.

Shimon Peres Président de l'état de 2007 à 2014

Visiblement, le jeune vice-ministre sait très bien s’y prendre. L’un de ses principaux contacts est Georges Elgozy, conseiller économique du président du Conseil français, qui va lui ouvrir de nombreuses portes. «Dans les années 55-56-57, on disait à Paris que (…) Shimon Peres pouvait passer la porte du ministre (français) de la Défense», affirme le journaliste Jean Lacouture . «Il avait son propre bureau au ministère. Il était chez lui», insiste son confrère Pierre Péan. 

La France et Israël auront leur bombe atomique. 

Mais les choses vont radicalement changer en 1958 avec la venue du général De Gaulle. L'heure est à la recherche d'une solution en Algérie avec une politique plus équilibrée avec les pays arabes.

De Gaulle mettra fin à cette "infiltration" israélienne et mettra un embargo sur les armes lors de la guerre des six jours en 1967 reprochant à Israël d'avoir ouvert en premier les hostilités.

On se souvient de l'affaire des vedettes de Cherbourg bloquées dans le port et qui seront subtilisées à la noël 1969.

 

Vedettes amarrées au port de Cherbourg

Circuit des vedettes acheminées de Cherbourg Haïfa

Depuis lors l'armement qui était quasi exclusivement français sera fourni par les USA.

Israël n'a-t-elle jamais envisagé de faire usage de l'arme nucléaire en cas d'invasion par les armées arabes unies en 1967 et 1973 ?

«L'Opération Samson» avait été élaborée dans le plus grand secret par l’état-major israélien dans le cadre de la préparation de la guerre des Six-Jours (du 5 au 11 juin 1967). Il consistait à faire exploser une bombe atomique dans le Sinaï égyptien au cas où le sort des armes aurait été défavorable à Tsahal, l’armée de l’Etat hébreu.

Avions israéliens survolant le Sinaï en 1967

Lors de la guerre du Kippour en 1973, Israël s'est laissée surprendre par les forces ennemies massées sur le plateau du Golan par la Syrie et l'Irak. Le combat de chars fut féroce et meurtrier et les défenses israéliennes mises à mal au point que l'invasion du nord d'Israël jusqu'à Tel-Aviv paraissait inévitable.

La situation était également plus que critique au sud face aux Egyptiens.

Les lignes de Tsahal ont été largement enfoncées. Paniqué et en pleine dépression, Moshe Dayan, ministre de la Défense et héros de la guerre des Six-Jours, a alors demandé à la première ministre Golda Meir d’appliquer une version actualisée de l’opération Samson qui prévoyait le chargement de bombes sur des chasseurs-bombardiers frappés de l’étoile de David. Mais le sort des armes a fini par tourner en faveur de l’Etat hébreu et l’idée de la frappe nucléaire a de nouveau été abandonnée.

On estime l'arsenal israélien à environ 200 ogives qui peuvent être activées par le sol, l'air et la mer.

Mais à l'exception de l'Iran, le Moyen-Orient bat à l'heure de la normalisation des relations, le dernier pays en date étant le Maroc.

Pour ce qui concerne l'Iran, la dissuasion est certainement une arme décisive mais on n'ose imaginer ce qui se passerait si ce pays venait également à en disposer.

On sait qu'Israël a toujours rappelé qu'elle ne laissera pas l'Iran y accéder. Mais que faut-il entendre par là ?



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