Lettre 90 Les enseignements de la Guerre du Golfe

 Trente ans déjà!

19 janvier 1991 à 7:15 quatre missiles irakiens Scud tombent sur Tel-Aviv causant de lourds dommages: 16 blessés graves.

Tel-Aviv sous les bombardements irakiens

Saddam Hussein avait envahi le Koweït six mois plus tôt et, sous l'égide de l'ONU, les USA avaient réuni une coalition comprenant 34 pays et parmi les principaux pays arabes, la Syrie, l'Arabie Saoudite, Les Emirats Arabes Unis, le Qatar... autant d'états niant l'existence Israël, pour ne pas dire en guerre ouverte.

Les forces de la coalition tentèrent sans succès d'empêcher ces frappes massives sur Israël.

L'idée de Saddam était simple, impliquer Israël dans le conflit pour rallier les pays arabes et faire éclater la coalition. Il était donc préférable qu'Israël se tienne à l'écart.

Un correspondant sur place rapporte:

"Je suis réveillé en sursaut par mon épouse qui me secoue. «Écoute!» Comment ai-je pu dormir et ne pas entendre les hululements lugubres de la sirène d'alerte qui enveloppe Tel-Aviv de toutes parts? Il est 2 heures du matin, dans la nuit de jeudi à vendredi. Immédiatement après, un «boom» assourdi révèle l'impact d'une première bombe. Ou est-ce un missile? Comme dans toutes les maisons d'Israël, la radio est allumée en permanence. Israël est en ce moment bombardé aux missiles chimiques. Que chacun mette son masque à gaz et gagne la chambre étanche. Nous répétons: il faut rester dans la chambre étanche et n'enlever sous aucun prétexte les masques à gaz jusqu'à nouvel ordre. "

Les forces spéciales israéliennes entrainées à intervenir sur les théâtres d'opérations extérieures étaient sur le qui-vive, prêtes à intervenir.

L'ordre est donné: Atterrir en Irak à 1.000 km pour détruire les bases de lancement des missiles.

Pour cela il faut survoler la Jordanie avec le risque d'être intercepté, puis éviter les tirs amis de la coalition et enfin éviter que les pays arabes alliés des Américains ne se retirent en apprenant qu'Israël entre dans la bataille à leurs côtés.  

L'opération a été désignée sous le code peu évocateur "Opération Jogging".

Après la première salve, il avait été convenu de laisser aux Américains le soin d'anéantir ces rampes de lancement. Mais il fallait bien constater qu'ils avaient échoué. Et selon la devise de l'état-major israélien, toute attaque devait donner lieu à une riposte sévère et immédiate.

Les avions sur le tarmac de type "Hercule" étaient lourdement chargés de véhicules blindés, munitions et armes sophistiquées, toute la logistique pour un assaut en règle.


Les soldats de cette unité d'élite manquaient certes d'informations sur le terrain, mais leur entrainement spécifique et la technologique de leur armement leur donnaient une supériorité telle que la réussite de l'opération ne faisait aucun doute à leurs yeux.

La cellule ministérielle de crise dirigée par le ministre de la défense Moshé Arens aux côtés du chef d'état-major le général Dan Shomron, avait pris place dans le bunker à 30 mètres sous terre au ministère de la défense à Tel-Aviv.

Le premier ministre Ytzak Shamir était déterminé à ne pas laisser sa population sous les missiles sans réaction immédiate.

Il avisa le Pentagone que l'ordre d'intervenir allait être donné. Il fallait synchroniser l'attaque pour protéger les avions israéliens.

Mais l'histoire devait s'écrire différemment.

Dix ans plus tôt en 1981, Israël avait détruit la centrale atomique d'Ozirak en Irak que la France avait vendue et construite. 

Destruction du réacteur nucléaire d'Osirak 

Un ingénieur français sur site avait informé les services secrets israéliens et devait placer un émetteur Laser sur la coupole de la centrale pour permettre aux bombardiers israéliens de la détruire efficacement. 

Malheureusement, il avait tardé et n'avait pu se dégager avant l'arrivée des avions. 

Victime collatérale malheureuse.

Mais la destruction de cette centrale nucléaire n'avait pas dissuadé Saddam Hussein dans sa volonté de renforcer par d'autres moyens son arsenal militaire y compris avec des "bombes sales".

Il faut savoir que Saddam avait déjà fait usage de bombes chimiques dans le conflit avec l'Iran dans les années 1980. La chose n'était pas à prendre à la légère.

Pourtant les services secrets israéliens avaient d'autres priorités et après le succès d'Osirak, ils avaient relâché la pression et perdu l'Irak de vue.

Quand subitement la CIA a fait savoir que Saddam Hussein disposait certainement de ce type d'armes à longue portée capables d'atteindre Israël, la tension est montée d'un cran.

Les premiers missiles tombés sur Tel-Aviv ce 19 janvier 1991 ont été analysés trop vite comme pouvant contenir des gaz chimiques. Aussitôt une batterie de missiles "Jérico 3" à têtes nucléaires ont été pointés sur Bagdad.


Les familles aux abris avec leur masque à gaz

Pendant ce temps les services secrets tentaient d'obtenir des Américains les localisations satellites des postes lance-missiles Scud irakiens. Car leur position pouvait s'étendre sur un large territoire et seuls les Américains disposaient alors de cette technologie.

Au vu des photos satellites, l'Opération Jogging comportait trois phases:

1) Bombardements aériens massifs des postes lance-missiles
2) Parachutage de 1.500 soldats des trois unités délite pour parachever le travail.
3) Pont aérien pour l'acheminement de matériels sur des aéroports improvisés

Mais il fallait obtenir l'accord de la Jordanie pour le survol de son territoire alors que ce pays ne faisait pas partie de la coalition.

Une rencontre eut lieu à Londres entre services secrets et il en résulta que la Jordanie interdirait aux deux belligérants de survoler son territoire mais n'entrerait pas en conflit armé avec Israël.

Ce point étant résolu, restait à obtenir l'aval des USA alors que l'ultimatum adressé à Saddam de cesser ses frappes venait à expiration et que le pays était en panique.

Le président Boush appela le premier ministre Shamir alors que les pilotes étaient déjà assis dans leur cockpit et attendaient l'ordre de décollage.

Boush mis Shamir en demeure de suspendre l'attaque. Que faire ? Jamais Israël n'avait agit contre la volonté de son principal (et seul) allié véritable.

Shamir se soumis. Les commandos furent mis au repos.

En contrepartie, les USA livrèrent à Israël des missiles anti-missiles Patriot et intensifièrent les bombardements (Pas moins de 4.000) sur les sites de lancement de Scuds.


Batterie de missiles Patriot de fabrication américaine

Mais les missiles Scud continuaient à pleuvoir sur Tel-Aviv.

En un mois, 39 missiles ont explosé dans différents centres urbains israéliens causant la mort de 74 civils, 230 blessés, la destruction de 1302 maisons, 6142 appartements, 23 bâtiments publics.....(Sources: Ministère des affaires étrangères)

Il fallait donc trouver une solution rapide.

La mission fut confiée aux Anglais. Un commando de la fameuse  "Special Air Service" (SAS) fut envoyé avec la même configuration mais ils se perdirent dans le désert, certains ont été retrouvés frigorifiés, d'autres sont morts au combat, mais les missiles irakiens continuaient à frapper Israël.

On compris alors que ce petit "Jogging" matinal relevait de la gageure en raison d'un déficit patent d'information.

Les combats cessèrent le 17 févier 1991 et avec eux les frappes contre Israël. Les forces irakiennes furent repoussées hors du Koweït et jusqu'à Bagdad.

Les pertes des forces de la coalition furent comparativement légères au regard du prix payé par Israël: 240 morts

Les acquis de cette neutralité israélienne furent  nombreux.

D'une part, Israël s'est trouvée pour la première fois aux côtés de pays arabes combattant un ennemi arabe en ses lieux et place. Cette situation n'est pas sans rapport avec la paix signée par la suite avec l'Egypte.

Les services de renseignements israéliens vont se renforcer et acquérir des moyens sophistiqués de surveillance par satellite de type Ofek et de fabrication israélienne.

Ofek 3 premier satellite israélien chargé du renseignement lancé en avril 1995 

Autre avancée et non des moindres, l'industrie israélienne va développer son propre missile anti-aérien "Dôme de fer" bien plus pertinents que les Patriot américains et dont l'efficacité a été la clé de la défense contre les tirs en provenance de Gaza.

L'ennemi a changé de nom mais pas de dangerosité. Demeure la question de savoir comment Israël a réussi à ce jour à éviter une attaque massive de missiles depuis le Liban Sud où le Hezbollah iranien est surarmé et attend son heure.

Selon certaines sources, cette attaque que le Dôme de fer ne pourrait intercepter totalement est probable.

Parallèlement on apprend que les USA viennent de déployer précisément le fameux Dôme de fer pour protéger les pays du golfe persique face à leur ennemi iranien.

Il y a fort à penser que Beiden jouera sur les deux tableaux: La main tendue aux Iraniens et aux Palestiniens, mais avec le bâton bien en vue si la situation devait déraper.

En parallèle, Israël ne laissera pas l'Iran aboutir dans sa course à l'arme atomique et tôt ou tard il faut s'attendre à un "Osirak bis" dont les conséquences sont incalculables.

Beiden exercera-t-il une pression suffisante ?

Il ne semble pas en prendre le chemin tant il s'inspire de la philosophie d'Obama.



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