Lettre 95 Quatrième élection à l'ombre de la Covid

Les élections auront lieu le mardi 23 mars, jour non-travaillé pour cette occasion. Il faut comprendre qu'ici, il n'est pas question de voter le Shabbat, jour où les religieux s'interdisent toute activité. 

On sait déjà que les deux camps sont à nouveau à égalité et que ce sont les indécis qui feront la différence selon qu'ils iront ou non voter.

Quelles sont les forces en présence ?


  Lapid, Bennett, Natanyaou, Saar, Ganz (de gauche à droite)

Natanyaou a consolidé son bloc de droite composé du Likoud et des partis religieux. Mais c'est très insuffisant puisque deux de ses anciens partenaires, Benneth et Saar ont constitué leur propre liste et le privent de voix non-négligeables.

Natanyaou n'a pas hésité à ratisser dans le camp des arabes se glorifiant des accords de normalisation signés avec plusieurs pays arabes. Mais il a reçu en retour une volée de bois vert.

Il lui faut donc pactiser avec Benett (Environ 8 mandats) qui est le seul à ne pas exclure d'entrer dans sa coalition, mais la encore ce ne sera pas suffisant.

Natanyaou est donc forcé à rallier l'extrême droite religieuse et un parti arabe isolé peu fréquentable. L'équation ressemble à un numéro de funambule. Mais Bibi demeure serein. Il répète à l'envi qu'il a sauvé le pays grâce aux vaccins et que lui seul peut assurer la sécurité du pays.

Mais il y a une autre inconnue de taille.

Certains partis satellites  de gauche risquent de ne pas franchir le cap des quatre mandats et seraient ainsi évincés. Le parti de Ganz (Bleu-Blanc) est sur la sellette et les voix ainsi perdues seraient réparties à la proportionnelle donc en partie au profit de Natanyaou.

Le clan des anti-Bibi n'a pas d'avantage créé un élan suffisant et ne pourra constituer une coalition sans l'adhésion des partis arabes.

Mais certains s'y refusent.

Donc il et déjà question de cinquième élection faute de coalition majoritaire. Elles auraient lieu en été. Cette perspective est souhaitée par Natanyaou dont le procès reprendra dès après les élections alors qu'il sera toujours investi du titre de premier ministre de transition.

Voilà plus d'un an que ça dure. 


Le bulletin de vote comporte une lettre (Ou deux) correspondant à la liste. Pas de nom de candidat ni du parti. 


Et c'est encore la pandémie qui semble donner le la.

Il n'est guère question de programme politique, mais plutôt d'attaques personnelles, d'invectives et de moi je....

Rien de bien palpitant.

Et le petit peuple qui craint pour sa portion congrue semble perdu dans ce dédalle des 14 listes et fera certainement un vote dans le genre: On sait ce qu'on a, on ne sait pas ce qu'on aura.....

Et il faut bien avouer que depuis un mois, c'est le retour à la normale avec l'ouverture des bars, restaurants et salles de spectacles; vaccination massive oblige. Et tout ça grâce à qui: A Bibi !!!

La messe serait-elle dite !!

Résultats dans une semaine.

Et puisque la participation arabe revêt une importance, il faut savoir que les arabes israéliens attachent un prix à la situation de la Palestine.


Aussi, à titre exceptionnel, j'ouvre ici mes colonnes à Yariv, ami israélien originaire d'un kibboutz du Neguev, de tendance politique de gauche et qui milite pour la coexistence pacifique avec les Palestiniens selon une analyse toute personnelle.

Elle a le mérite d'exister et parait même partagée par ceux qui prônent la solution à deux états.

Sa vision parait intéressante en ce qu'elle oppose les deux narratifs et surtout tient compte de la position palestinienne souvent laissée pour compte.

Ce texte adressé aux médias israéliens n'a pas été publié. Aussi je prends la liberté de vous le soumettre dans sa traduction littérale.

Je vous serait reconnaissant de prendre position et de donner votre avis en fin de texte.


Comment briser le paradigme

Par Yariv Reicher le 20/06/2020

Sujet: Colonisation palestinienne

Depuis au moins deux décennies, le discours israélien se fonde sur le paradigme suivant: "Israël a proposé généreusement aux Palestiniens de créer leur propre nation sur la presque totalité de la Cisjordanie contre la cessation des hostilités, mais les Palestiniens ont refusé. Tant que les Palestiniens n'accepteront pas cette offre généreuse, Israël n'a d'autre choix que de gérer le conflit. "

Ce paradigme est basé sur un certain nombre d'hypothèses de base:


Première hypothèse - Le sionisme est une expression du désir du peuple juif d'exercer son droit à l'autodétermination. La réalisation de ce droit se fait dans sa patrie historique en vertu d'un droit historique et en vertu de décisions de la communauté internationale.

Deuxième hypothèse - Les Arabes qui n'ont pas accepté le plan de partition de l'ONU en 1947, ont pour la plupart fui après la guerre qu'ils ont déclenchée. Ils sont responsables de la situation et leur sort n'est pas différent de celui de nombreux autres qui sont devenus des réfugiés après la deuxième guerre mondiale.

Troisième hypothèse - L'éthos (Coutume, comportement) palestinien est identique à l'éthos juif. Le peuple juif attachait une importance immense à la création d'un État-nation et, pour sa réalisation, était prêt à abandonner des territoires pour lesquels il nourrissait une affiliation historique de longue date. De même, les Palestiniens accepteraient de renoncer à des questions d'une importance capitale en vue de la création de leur propre nation.

En vertu de ces fondements et du vécu palestinien, il apparait que ces hypothèses ne peuvent pas former la base d'un accord entre Israël et les Palestiniens.

Les Arabes qui vivent en terre d'Israël ont considéré ce pays comme terre musulmane qui faisait partie des empires musulmans qui ont gouverné la région pendant des siècles. La conquête de la Palestine par les Anglais en 1917 par les armes, et sans autre légitimité, n'autorise ni les Britanniques, (Déclaration Balfour) ni les Nations Unies (Décision de partition de l'ONU) d'accorder cette terre aux Juifs, Chrétiens ou tout autre groupe de personnes.

Par la décision du gouvernement israélien de ne pas permettre le retour des Arabes d'Israël dans leurs foyers après la guerre de 1948, le gouvernement israélien a procédé à un nettoyage ethnique.

La question de savoir si les Arabes d'Israël ont fui ou ont été expulsés pendant la guerre de 1948 n'est pas à considérer. La fuite d'une personne et de sa famille de son domicile pendant une guerre jusqu'à ce que l'orage passe, ne donne aucun droit d'exproprier sa terre et son domicile et l'empêcher de rentrer chez lui à la fin de la guerre.

L'éthos palestinien est différent de l'éthos juif. L'éthos palestinien attache une importance primordiale à la terre, à la famille et à la dignité. Le concept de nationalité palestinienne ne s’est formé que ces dernières décennies et revêt une importance secondaire.

L'examen de la proposition d'Israël de résoudre le conflit sans considération de la vision palestinienne et des intérêts fondamentaux des Palestiniens montre qu'il n'y a aucune chance de parvenir à un accord de paix dans le plan proposé.

Un accord exprès ou tacite de renoncement à la terre musulmane du peuple palestinien qui dirait «Vous avez pris notre bien illégitimement mais nous sommes d’accord avec cela», c’est une concession qu’aucun dirigeant arabe ne peut faire et que peu de Palestiniens peuvent accepter.

Le renoncement par un «réfugié» vivant au Liban sur les terres de son village près de Nahariya (Nord d'Israël) en échange d'un appartement dans un lotissement près de Naplouse (Palestine) et l'acquisition de l'autodétermination du peuple palestinien dans un État palestinien indépendant contredit son intérêt fondamental à obtenir restitution de sa terre.

Alors que faisons-nous?

Le paradigme israélien suppose qu'il n'y a que deux possibilités: Signer un accord de paix complet ou une séparation unilatérale comme cela a été fait dans la bande de Gaza dans le plan de désengagement.

Mais il y a une troisième possibilité: Une séparation dans un accord multilatéral que les Palestiniens ne signeront probablement pas.

Et qu'est-ce que cela signifie: La première étape pour briser le paradigme est d'abandonner la vision d'un «accord de paix» et de passer au concept de «l'arrangement avec lequel on peut vivre en paix».

Et qu'est-ce qu'un arrangement avec lequel on peut vivre en paix? C'est un arrangement qui crée des conditions raisonnables pour vivre ensemble côte à côte tout en préservant les revendications des parties et en les reportant à un avenir plus lointain.

Séparation dans un accord multilatéral: La solution à deux États à l'intérieur des frontières de 1967, plus ou moins, est une solution reconnue par les membres du Conseil de sécurité de l'ONU et par une partie importante des pays arabes et musulmans et peut recevoir une majorité à l'Assemblée générale des Nations Unies.

L'infrastructure d'un État palestinien existe déjà. Il y a un président, il y a un gouvernement, il y a un service public et il y a des forces de sécurité. Ce qui manque, c'est l'établissement de la frontière et la mise en place d'arrangements de sécurité qui garantiront que l'État palestinien ne deviendra pas un état terroriste.

L’État d’Israël doit prendre l’initiative selon le schéma suivant:

- Un État palestinien sera créé à l’intérieur de frontières qui seront approuvées par la communauté internationale et ratifiées par la résolution des Nations Unies.

- Israël évacuera tous les colons qui résident actuellement dans le territoire qui sera attribué à la Palestine.

- Israël conservera des forces armées en Palestine dans des lieux, des conditions et une période à définir.

Les Palestiniens seront appelés à être partenaires de l'accord, mais tant qu'ils refuseront de le signer, ils seront appelés à agir conformément à la résolution de l'ONU.

Cette solution a bien sûr des faiblesses qu'il est important de souligner, mais elle créera une situation meilleure qu'elle ne l'est aujourd'hui et annulera le plus grand risque qui menace l'État d'Israël, à savoir l'exigence d'être un seul État du fleuve (Le Jourdain) à la mer.

Et quelles sont les faiblesses:

- Un accord international sur les frontières n'est pas possible sans les frontières chevauchant plus ou moins les frontières de 1967 et cela signifie l'évacuation de 100 000 à 120 000 juifs de Cisjordanie.

- Les Palestiniens n'abandonneront pas leur scénario de récupérer tout Israël, et l'État d'Israël devra continuer à maintenir une armée forte. Cependant, le conflit entre Israël et les Palestiniens passera d'un conflit entre les peuples à un conflit entre les États, et Israël a réussi dans de tels conflits avec des pays qui sont incommensurablement plus forts que l'État palestinien.

- En Israël, des mouvements divers agirons contre l'abandon de la Cisjordanie continueront à manœuvrer au sein de l'État d'Israël et tenteront d'entraîner Israël à réoccuper ces territoires.

Signé Yariv Reicher

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