Lettre 106 Vers un gouvernement de changement

 

Sommes-nous à l'aube d'une fin de règne ?

Ce soir, Naphtaly Bennett (Parti Yamina = La droite/ 7 mandats) a tenu le discours le plus important de sa vie politique en déclarant qu'il entendait gouverner avec le centre et la gauche et le soutien de la liste arabe.

Lui que tout portait à s'entendre avec Natanyaou pour créer une coalition de droite a renvoyé ce dernier à son échec et comme un pis aller, accepte une alliance avec les partis anti-Bibi du bloc du changement.

En cas de validation par la Knesset, il sera le prochain premier ministre d'Israël.

La Knesset, le parlement israélien

Revenons un peu en arrière.

Après trois tours successifs qui avaient donné des résultats peu ou proue identiques, Natanyaou n'avait pas réussi à former une coalition gouvernementale majoritaire.

A deux reprises, la Knesset avait voté sa dissolution et lors du troisième tour, en avril 2020, Benny Ganz (Parti Bleu-Blanc comme la couleur du drapeau israélien) avait accepté de se joindre au Likoud pour former une coalition d'union nationale et combattre ensemble le fléau du Virus.

Dans le cadre des accords, une alternance était prévue, Natanyaou exerçant les fonctions de premier ministre pendant 18 mois puis cédant la place à Ganz.

Natanyaou persuade Ganz de le rejoindre

Mais il est rapidement apparu que cette rotation n'aurait pas lieu, car en s'abstenant de voter la loi sur le budget, Natanyaou a provoqué la dissolution automatique de la Knesset en décembre 2020.

Il demeurait néanmoins premier ministre de transition avec la même formation gouvernementale.

Les élections qui ont été fixées au 23 mars 2021 n'ont guère changé la donne, et aucun des deux clans n'était en mesure de créer une coalition de 61 députés sans le concours des partis arabes.

La campagne électorale était principalement axée sur  la personne de Natanyaou auquel ses opposants reprochaient de n'agir que pour ses intérêts propres et non pour celui du pays.

Ainsi en raison des poursuites pénales dont il fait l'objet, il remettait en cause la légitimité des instances judiciaires qu'il entendait museler. 

Le président de l'état a néanmoins confié à Natanyaou la tache de tenter à nouveau d'unifier au moins 61 députés bien que sachant que la mission était ardue.

Guidon Saar, transfuge du Likoud avait capté 6 mandats et était déterminé à le torpiller si Natanyaou demeurait à sa direction. 

Gidon SAAR quitte le Likoud et forme son parti

La campagne se réduisait à "pour ou contre Bibi".

Natanyaou a recruté les partis mineurs d'extrême-droite nationalistes mais ceux-ci ont refusé d'entrer dans un gouvernement soutenu par une liste arabe.

Le président a donc chargé Yair Lapid (17 sièges/parti de centre) de former un  gouvernement. 

Yaïr LAPID l'anti Bibi par excellence

Mais cette fois la difficulté était double: Il devait à la fois recueillir le soutien des listes arabes et concilier la gauche et la droite dans un gouvernement pluraliste de grand-écart.

Lapid, dont le but exclusif avoué est de faire tomber Natanyaou a proposé à Bennett (7 mandats/Droite nationaliste) une gouvernance par rotation dans laquelle il serait premier en poste.

Lapid prendrait sa suite après deux ans.

Alors que tout semblait bouclé, des incidents graves ont eu lieu sur le Mont du Temple que d'aucuns attribuent au clan Bibi par provocation des arabes au moment sensible de fin de ramadan.

Chaos et affrontements sur le Mont du temple

La guerre dite "Opération Gardien des Murailles" a fait voler en éclat cette coalition en gestation puisque les partis arabes se sont aussitôt retirés et Bennett a déclaré se tourner vers le Likoud pour tenter de former une coalition rassemblant toute la droite ainsi que les religieux.

Cette volte-face semblait mettre fin aux efforts de Lapid, mais le calme revenu, les négociations ont repris de plus belle. 

Bennett a expliqué tout au long de la campagne qu'il était hors de question de retourner aux urnes pour un cinquième tour de sorte qu'il était ouvert à toute autre éventualité.

BENNETT et son adjointe Ayeled SHAKED

Natanyaou n'a pas raccroché les gants, son idée étant de faire capoter cette coalition qu'il taxe de "gauche présentant un danger de destruction pour Israël". 

En cas d'échec de Lapid dont le mandat prend fin le 2 juin, la Knesset serait alors investie de la désignation du premier ministre et dans ce cadre, Bibi a formulé les propositions les plus folles telle une rotation à trois entre Saar, Bennett et lui-même.

En aparté, un lieutenant du Likoud, Israël KATZ ministre actuel du budget, a proposé de prendre la direction du Likoud à la place de Bibi considérant qu'il est l'obstacle majeur à la formation d'un gouvernement de droite incluant Saar et Bennett.

Bien qu'évidente et de nature à sortir de l'impasse, cette proposition sera à nouveau analysée comme une traitrise et a été rejetée de plano par l'intéressé.

Mais il est devenu clair pour tout le monde que l'ère Natanyaou touche à sa fin et que celui-ci s'accroche au pouvoir en dépits du bon sens.

Le Likoud sombrera avec son chef dans l'opposition.

Le groupe Anti-Bibi, s'il est disparate, correspond à l'arc en ciel des électeurs, partis religieux exclus (15 mandats). Eux également seraient les grands perdants.

Désormais, il appartient à LAPID de se rendre chez le Président pour lui annoncer qu'il a formé un gouvernement.

La Knesset devra alors se réunir et voter la confiance au gouvernement à raison d'une majorité de 61 membres.

Les partis arabes devraient soutenir cette coalition mais rester en dehors du gouvernement.

Natanyaou tire ses dernières cartouches pour tenter de persuader des députés de se désolidariser de leur parti et le rejoindre pour former un coalition de droite.

A ce jour toutes ses tentatives sont demeurées vaines.

Mais n'enterrons pas trop vite le magicien car il n'est jamais aussi efficace que lorsqu'il est dos au mur. 

Mais cette fois le vent qui souffle semble lui être contraire.