Lettre 166 YOM HA SHOAH jour du souvenir

 Ceux qui ne peuvent se souvenir du passé sont condamnés à le répéter. (George Santayana)

Chaque pays commémore ceux qui sont tombés au combat. En France, les fêtes militaires commémorent principalement les victoires sur l'Allemagne, même si ce voisin est devenu un allié incontournable et c'est tant mieux.
Mais la fête du 14 juillet a pris largement le pas sur le 11 novembre et le 8 mai, tant ces dates paraissent désuètes et sont condamnées à tomber dans l'oubli.

Israël ne fête pas ses victoires sur les pays arabes mais commémore la mémoire des soldats tombés aux combats.
Ce sera le cas dans huit jours, le 25 avril et chaque famille compte souvent un ou plusieurs soldats morts pour la défense du pays.

Mais le moment le plus fort dans la célébration des victimes est le "Jour de la mémoire de la Shoah et de l'héroïsme" (Yom ha Shoah) lequel mérite d'être explicité.

                                        Mordechaj Anielewicz

La date n'a pas été choisie au hasard. En 1951, la Knesset a fixé ce jour de la mémoire au jour du soulèvement du ghetto de Varsovie qui eut lieu le 19 avril 1943 sous le commandement de Mordechaj Anielewicz, résistant juif fondateur de l'Organisation juive de combat ou OJC.

L'histoire raconte qu'après trois semaines de combats héroïques contre les Panzer allemands, il se serait suicidé dans l'immeuble du 18 de la rue Mila pour ne pas être pris vivant.

Cette résistance à la horde nazie a été racontée dans le fameux livre de Léon URY, Mila 18 paru le 1er janvier 1962. (Edition Robert Laffond)
 
Ce jour de deuil national commence le soir à la tombée de la nuit et prend fin le lendemain soir, à l'apparition des premières étoiles.

Le soir à 20 heures, une cérémonie officielle est organisée au mémorial Yad Vashem à Jérusalem en présence du président de l'Etat et du premier ministre.
Six survivants de la Shoah sont appelés tour à tour pour allumer une flamme en mémoire des six millions de juifs exterminés par les nazis.

Crypte du souvenir 

Deux kibboutzim ont été fondés à la mémoire de  Mordechaj Anielewicz, le kibboutz Yad Mordechaï et le Kibboutz Lohameï Ha Getahot où se déroulent également des manifestations du souvenir.

Le matin, à 10 heures précises, les sirènes retentissent dans tout le pays pendant deux longues  minutes et la vie s'arrête, le peuple se fige sur place, la circulation s'arrête, un ange passe.


La sirène retenti, Israël s'immobilise

La volonté de présenter ce jour non seulement comme un jour de la mémoire collective mais aussi de l'héroïsme a précisément pour volonté de combattre cette idée que l'extermination des juifs s'est produite sans résistance apparente, "comme des veaux à l'abattoir".

Aucune nation n'a contribué plus que les juifs aux mouvements de résistances alors que les pays envahis avaient baissé pavillon et les avaient abandonnés à l'occupant.  

Cette image d’Epinal du juif soumis, voir lâche, devait être effacée car la génération qui est née après guerre ne voulait rien entendre de ce fiasco.

C’était d’autant plus aisé que les survivants se muraient dans un mutisme emprunt de douleur.
Pourquoi et comment raconter l’innenarable? L’incommensurable. 

Un trou noir s’est progressivement installé pour permettre l’oubli dans une France qui avait vendu son âme et ses juifs à l’occupant.
On a jeté un voile pudique sur le passé dès que la purge de Nurenberg a rendu ses verdicts.
The show must go on.

Les survivants se sont tus pour permettre à cette jeunesse de vivre et s’élever dans une société purgée d’un crime abject.
Et cette même jeunesse n’a pas versé une larme sur ces fantômes du passé qu’elle ne voulait pas voir mais qui la hantaient.
Leurs yeux étaient tournés vers Israël où une génération de combattants et de vainqueurs coïncidait mieux à leur idéal.

Une image d’Epinal en effaçait une autre, la bravoure contre la lâcheté.

Mais en fallait il du courage pour survivre à ce qu’on a nommé par la suite la Shoah?
Courageuse la mère se privant de nourriture pour que vive son enfant.
Etait-il brave le juif désarmé qui emmenait sa famille à travers la ligne de démarcation pour rejoindre l’Espagne en affrontant tous les dangers.

Et ce juif étranger qui avait rejoint le groupe Moï pour résister à l'occupant en vivant dans la clandestinité. Etait-il lâche?

Et il y eut aussi des « Justes parmi  les nations » pour les aider dans cette épreuve apocalyptique.
Ce n’est donc que justice que de commémorer la bravoure de ceux qui ont traversé cette sombre période.
Peu à peu les langues se sont déliées et lorsqu’un héros de la guerre fut élu président en 1958, il fut plus facile de parler de résistance et de la Shoah.
Cette jeunesse devenue adulte put enfin affronter les images d’une souffrance qu’on lui avait cachée, dont on voulait l’épargner.
On disait « À quoi bon ».

La question a rebondi lorsque Zemmour a affirmé que Pétain avait sauvé les juifs de France.
Il a mis la main dans un engrenage qui l’a broyé.
Allait il chercher des voix d’une droite extrême en absurdie?
Mais il a mis le doigt sur une question qui nous hante. Qui mérite réflexion.

Les nazis ont réussi à rendre l’Europe « Judenrein » (purgée des juifs).
Seule la France a fait exception puisque deux tiers des juifs français ont survécu.

A qui doit-on ce sauvetage?

Si le régime de Pétain a collaboré avec zèle à la déportation, il a affirmé qu’elle ne s’appliquerait pas aux juifs français. Mais la loi du 22 juillet 1940 déchoit de leur nationalité des milliers de juifs naturalisés sous la troisième république.

Jusqu’en 1942, la France est coupée en deux zones, et la zone sud dite « libre » a certes contribué à faciliter le sauvetage des juifs notamment par la filière espagnole.
La plupart des juifs ont vécu en France avec de faux papiers, sous des identités d’emprunt, avec la complicité de fonctionnaires, ou l’assistance de « bons Français » qui ont risqué leur peau.

Encore un héroïsme commun et peu raconté.

Zemmour pouvait exalter ces héros de l’ombre. Il a manqué sa cible et s’est brûlé les ailes.

S’il a raison sur les chiffres, il a tort sur les causes, encore que la politique de collaboration a certes permis une déportation moins brutale et totale que celle pratiquée par Eichmann de sinistre mémoire.

Comme les Poilus de la guerre 14-18, les derniers survivants de la Shoah vont disparaître et avec eux un trésor mémoriel.

Primo Levy a tout dit dans son livre culte "Si c'est un homme", témoignage autobiographique sur sa survie dans le camp d’extermination nazi d’Auschwitz, où il fût détenu de février 1944 à la libération du camp, le .

Une citation parmi cent autres:

"Ce qui a eu lieu est une abomination qu'aucune prière, aucun pardon, aucune expiation, rien de ce que l'homme a le pouvoir de faire ne pourra jamais réparer".

 

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