Lettre 167 Tsahal, l'armée du peuple

Lorsqu'on avance en âge, les vieilles blessures se rappellent à notre mémoire et se font plus vivaces.

Les médecins savent ce dont il est question.

La révolution française avait opposé le peuple (Le tiers-Etat) aux nobles et au clergé.

Ces deux castes ont survécu jusqu'à la loi de 1905, c'est dire qu'il aura fallu pas moins de 120 ans pour que le bas peuple soit débarrassé de cette "gangrène" et mette un terme définitif aux privilèges.

Israël ne fait pas exception. Il a été fondé pour servir de nation refuge au peuple juif. 

Lecture de la Torah lors des offices religieux


Un peuple demeuré longtemps éloigné de sa terre ancestrale. Mais ici se pose la question délicate de l'implication de la religion dans les affaires de l'Etat.

Yeshiva en Israël au 19ème siècle

Ce dilemme récurrent et chronique rebondit à l'occasion de la loi sur l'obligation du service militaire.

Rappelons ici que celui-ci est obligatoire pour tous, et n'en sont dispensés que les citoyens arabes et druzes, encore que ces derniers s'enrôlent massivement et excellent dans certaines unités spécialisées.

Actuellement, le service militaire est fixé à deux ans pour les femmes plus 8 mois pour les hommes.

Au nombre des exemptions figurent les élèves des Yeshivot, institutions destinées aux juifs orthodoxes pour l'étude des textes religieux.

L'idée serait de ne pas les priver de l'étude à laquelle ils sont astreints et qui représente la plus grande Mitsva ( Commandement, bonne action) du judaïsme:

« Tu l’enseigneras (La Thorah) à tes enfants et tu diras ses mots lorsque tu résideras dans ta maison, quand tu iras sur le chemin, lorsque tu te coucheras et lorsque tu te lèveras » – Deutéronome.

Un Juif est toujours en train d’étudier la Torah. 24 heures par jour. 7 jours par semaine. 365 jours par an. Nous faisons des pauses pour manger, dormir, prier, gagner notre vie et refaire le plein d’énergie. Le reste du temps, nous nous connectons avec D.ieu en étudiant Sa sagesse. (Extrait du site internet CHABAD.ORG)

En vertu de cet adage, et pour que l'étude se poursuive aussi la nuit, des Yeshivot ont été ouvertes dans l'hémisphère sud notamment au Brésil et en Argentine. 

L'équation étant posée, elle divise fortement le pays au regard de l'égalité dans la répartition des charges. L'armée est un creuset qui unifie, mais pour ces juifs orthodoxes, ce mélange parait incompatible avec leurs obligations religieuses.

Aussi dès la création de l'Etat, des exemptions leurs ont été accordées par David Ben Gourion sous condition d'être assidus à l'étude. On comptait alors 400 élèves.

Ce chiffre devait progresser et il est question actuellement de plus de 60.000 exemptions.

La loi TAL du 1er août 2002 a défini les limites de cette exemption du service militaire obligatoire: 

* Consacrer 45 heures par semaine à l’étude de la Torah.

* N'exercer aucune profession avant l'âge de 23 ans. (Actuellement porté à 26 ans)

* Exemption valable un an et renouvelable sur justificatif.

* Possibilité d'accomplir un service civil d'un an avec exemption définitive à la clé, option qui n'a pas été utilisée. 

Cette loi provisoire limitée à 5 ans a été prorogée jusqu'au 1er août 2012 date à laquelle la Cour Suprême l'a déclarée contraire à la loi fondamentale.

Des troubles importants eurent lieu car les étudiants des Yeshivot refusaient de s'enrôler.

Mais en 2015, les partis religieux entrés au gouvernement exigèrent que les accords de coalitions prévoient une prorogation des exemptions.

L'amendement a été annulé par la Cour Suprême qui a fixé au 31 juillet 2023 la date extrême à laquelle une loi acceptable devra être votée.

Pour justifier l'exemption, les dirigeants religieux  affirment que les érudits de la Torah protègent tous les résidents de l’État et que c’est leur « devoir civique ». 

Leur opposition au service de Tsahal découle également de la nature laïque du cadre militaire, à la fois en raison du mélange hommes femmes et en raison de la mixité avec des Juifs non religieux.

Le gouvernement actuel s'est également engagé dans les accords de coalition à faire voter une nouvelle loi d'exemption abaissant à 21 ans l'obligation d'étude dans les Yeshivot, permettant ensuite l'exercice d'un métier avec dispense totale de service militaire (Y compris pour les périodes dites Milouyim qui vont jusqu'à 45 ans) 

Il s'agirait donc d'une exemption totale.

Mais la Cour Suprême annulera un tel texte pour les motifs d'égalité devant la charge sécuritaire.

Il faudrait donc qu'au préalable la réforme judiciaire soit votée réduisant la compétence de la Cour Suprême et permettant à la Knesset de passer outre.

Mais Netanyahu a suspendu cette réforme que certains estiment morte et enterrée. On ne gouverne pas contre les élites du pays et contre le reste du monde.

Le budget doit être voté avant le 28 mai pour une période de deux ans sans quoi le gouvernement tombe.

Les partis religieux refusent leur soutien si la loi sur l'exemption n'est pas votée mais les sondages sont catastrophiques pour la coalition.

Il faut donc éviter des élections.

Il faudra bien qu'ils avalent leur Streimel !!!

Le Schtreimel, le chapeau des juifs orthodoxes

La fracture qui sévit dans le pays se niche aussi dans l'opposition entre religieux et laïcs et l'affaire du service à Tsahal en est le point d'orgues.

Si tous les citoyens sont "en principe" égaux en droit, aucune association ne résiste longtemps à la distorsion face aux charges. 

Sans perdre son humour!

Souvenez vous des paroles de la chanson "vieille canaille" d'Eddy Mitchell:

J'serai content quand tu seras mort
Vieille canaille
..................................
Je t'ai reçu à bras ouverts

Vieille canaille

Tu avais toujours ton couvert

Vieille canaille

T'as brûlé tous mes tapis

Tu t'es couché dans mon lit

Tu as bu tout mon porto

Vieux chameau

Puis j't'ai présenté ma femme

Vieille canaille

Tu lui as fait du baratin

Tu l'embrassais dans les coins

Dès que j'avais tourné
le dos

Vieux chameau



On peut tout supporter, tout pardonner même les actes les plus odieux. Mais aucune association, aucune convention sociale ne résiste à la disparité dans la charge collective, que ce soit face à l'impôt ou à l'obligation militaire.

N'est-ce pas pour de tels motifs que la révolution française s'est produite.

A bas les privilèges! Cette antienne est sous jacente dans toutes les manifestations d'où qu'elles viennent.




Commentaires

  1. Remarquable synthese, merci; on ne la trouve ni dans la presse grand public ni dans nos journaux »paroissiaux » puisqu’ils sont de l’un ou de l’autre coté.
    J’espere que la majoritée l’emportera sans pour autant mepriser ou ridiculiser les religieux, bien au contraire en ce qui me concerne.
    Il n’empeche que cette affaire laissera des traces. J’ai vu tellement de pauvreté et de misere chez les religieux en Israel que je les considere comme prisonniers de leurs institutions et manipulés.
    Je dois etre un vieux crouton; j’en suis resté au type de gauche, qui met ses tefilins tous les matins devant son char.

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  2. Anonyme car je me suis vu refuser par google mon adresse mail… allez savoir; je m’appelle michel Nabet

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