Lettre 247 La nuit où le destin d'Israël aurait pu basculer

 L’histoire aurait pu s’écrire différemment.

Mais pour cela, il faut cocher toutes les cases. Et surtout changer de conception, de logiciel, de disquette.

Le cabinet de guerre, Netanyahu, Galant et Ganz

La nuit du 14 avril marquera un tournant majeur dans la préhension des rapports de force. Deux guerres se déroulent à faible distance: la guerre russo-ukrainienne et la guerre israélo-iranienne.

La première ressemble fort à une guerre conventionnelle des tranchées. La seconde à celle de la haute technologie faute de frontière commune.

Ici, les forces qui s’opposent se mesurent à la capacité d’attaques destructrices à longue distance et de défense hermétique; cyber attaque et précision du renseignement.

Aucune bataille rangée, aucun fantassin, aucune baillonnette.

C’est ainsi que la guerre contre le Japon fut gagnée par le simple largage de deux bombes atomiques. Ce bombardement a évité la nécessité mortifère d’une invasion qui aurait nécessité le sacrifice mutuel de centaines de milliers de soldats et de civils.

Depuis le monde s’est équipé de missiles balistiques à longue portée capables de réduire à néant les forces adverses sans avoir à franchir aucune frontière.

Mais jamais depuis 1945, ces armes redoutables n’ont été utilisées aussi massivement. 

L’attaque du 14 avril fut le premier épisode de cette guerre des étoiles. Jamais une telle attaque par l’envoi de 110 missiles balistiques en moins d’une heure n’avait été déclenchée.

C’est un précédent très inquiétant. L’Iran a osé ce que ses alliés russes n’ont pas fait en Ukraine. Ils ont certes utilisé de telles armes fournies par l’Iran et la Corée du Nord en février dernier pour soutenir leur contre offensive, mais avec parcimonie.

La nuit du 14 aurait pu sceller le destin d’Israël, par une victoire éclatante ou par sa perte. Alors que 250 drones faisaient route vers Israël et dès leur détection, s’est posée la question d'une réplique immédiate. 

En toute logique, l’état-major était prêt à une contre attaque immédiate et massive. Les six heures nécessaires aux drones pour franchir les 1700 km ont été lourdes de réflexion. Un jour prochain, nous aurons à connaître des affres qui ont dû secouer et opposer militaires et l’échelon politique du cabinet de guerre alors que le peuple dormait.

Heures historiques.

Tout était prêt. Une pluie de missiles devait s’abattre sur l’Iran car la totalité des avions étaient occupés à l’interception des drones.

Mais devant le défi de l’opération défensive, Biden a bloqué toute velléité de contre attaque.

La priorité majeure était de coordonner le vols des avions de chasse et des missiles des armées intervenantes, israélienne, française, jordanienne, anglaise, américaine et saoudienne.

Imaginez dans un secteur restreint plusieurs centaines d’avions chargés chacun d’une cible volant dans un ciel à proximité de missiles sol-air tirés par ces coalisés spontanés.

L’opération défiait toutes les règles de la coordination inter armes qui servira dans les années futures dans les écoles militaires. 

Tout a été piloté par Tsahal depuis le centre souterrain de la Kyriia de Tel Aviv. Chaque opérateur devait envoyer des informations précises en temps réel aux différents intervenants pour éviter qu’un missile ne percute un avion. 

De la dentelle! Le défi a été relevé.

Mais la contre attaque immédiate n’a pas eu lieu. Cette question hantera longtemps le peuple israélien sur la main qui a arrêté Tsahal. Biden, c’est sûr; Netanyahu, certainement car il est connu pour être indécis dans ce type de circonstances. Netanyahu n’est ni Churchill ni Mac Arthur.

Mais la raison dictait cette réplique. Pourquoi?

Parce que pendant ces quelques heures, nul ne pouvait connaître ni l’ampleur de l’attaque iranienne, ni l’ampleur des destructions. Des destructions gigantesques auraient pu être causées. Car les Iraniens avaient coordonné leur attaque en lançant leur missiles au moment même où les drones devaient tomber. Cette attaque était faite pour détruire massivement en débordant la capacité de défense du dôme de fer.

Le destin de survie d’Israël s’est joué cette nuit la.

Au petit matin, Israël découvrait deux choses: l’efficacité de ses défenses anti aériennes (99% d’interception) et la constitution d’une coalition mixte, occidentale et arabe. La victoire était double,  il ne fallait pas la gâcher par une réaction épidermique massive que tous redoutaient.

Et pourtant. 

La contre attaque reportée de 8 jours venait démontrer combien l’Iran était vulnérable et son territoire si peut armé pour défendre les sites les plus sensibles. Israël a détruit en une seule frappe aérienne les missiles russes S300 chargés de défendre la base atomique de Natanz. Le premier missile furtif a touché sa cible, le second a été détruit en vol pour éviter de faire de plus amples dégâts.

Quelle leçon!

Missiles russes S300 détruits par l'aviation israélienne près de Ispahan

Le monde découvre que Tsahal, cette armée victorieuse en 1967 et 1973 est capable de tenir tête à un pays arabe redoutable et redouté.

L’Iran des Ayatollahs a senti le vent du boulet. La nuit du 14 était la nuit de tous les dangers; pas seulement pour Israël.

Qui l’eut cru?!!!

Ici on dit: on ne pleure pas sur le lait renversé. 

לא בוכים על חלב שנשפך 

(Lo bochim al H'alav che nichpah')

La guerre totale a été évité. 

Mais le peuple iranien qui attendait cet évènement pour se soulever a été déçu. Mais on ne peut faire plaisir à tout le monde et à sa belle-mère en même temps.

Cette mini réplique que le ministre de la sécurité intérieure Ben Gvir a qualifié de DARDALE (דרדלה) comprenez petit bras, mauviette, Chiken wings, claquette; laissera des traces comme le stop américain au km 101 devant Le Caire en 1973.

Mais comme disait Georges Clémenceau, « la guerre est une chose trop grave pour la confier aux militaires ».

Les politiques ont pris la main.

Pour quoi faire?

Car comment valoriser cette retenue en confortant la pseudo coalition née de génération spontanée et non écrite?

Le plan de Biden paraît si bien ficelé; si tentant, si ambitieux: constituer un axe anti iranien mettant côte à côte Israël et l’Arabie Saoudite ainsi que tous les pays sunnites avec le soutien occidental.

Cette vision quasi biblique suppose de lever un seul écueil: accepter la création d’un État palestinien.

Ce projet à contre courant de l’histoire après le 7 octobre ressemble à un coup de poignard dans le dos, mais qui dit qu’il devrait se produire de suite, sans garantie pour la sécurité d’Israël?

En accepter le principe, ce que Natanyahu avait déjà fait en 2009 avant de revenir sur sa déclaration en 2015. Et de légaliser en plus les implantations illégales des colons.

La cible n’est pas constituée par les proxys, ou par le peuple iranien mais par le régime iranien et son projet de bombe atomique. 

Car telle est la contrepartie. Biden vient de faire voter une aide financière massive pour armer Israël. Mais il refuse que ces armements se retournent contre les Palestiniens. Il prend des sanctions contre les colons qui provoquent des émeutes, contre des bataillons de Tsahal qui manœuvrent en Palestine en interdisant l’usage d’armes américaines.

Le soutien est donc théorique pour Israël mais contre son gouvernement et sa politique. Dans 8 jours cette coalition peut devenir éphémère, comme l’aide financière pour un armement dont Biden tiendrait la crosse.

Le choix est simple: changer de gouvernement pour suivre le plan américain ou naviguer à vue, comme cela se passe dans la bande de Gaza et avec les otages.

Notre gouvernement ne dictera rien aux Américains, ce sont eux les maîtres du jeu.

Les choses auraient pu être différentes si le 14 avril, la nuit n’avait pas porté conseil.

Mais était-ce bien raisonnable? La réponse est dans la boule de cristal.

"Avec des si on mettrait paris en bouteille.....et un démocrate à l'eau". (Arthur de Boissieu 1872 in De chute en chute)


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