Lettre 249 Les otages en question

Il resterait 133 otages vivants ou morts. Telle est désormais la façon de présenter la question à la population. 

Et on ne parle plus que de ça.

En toutes choses, le respect des principes est primordial:

* Il n’y a pas de plus grande Mitzwa (bonne action) que le rachat des prisonniers

* On ne fait pas la guerre avec 250 otages entre les mains des terroristes

* On ne négocie pas avec eux


Manifestation organisée cette semaine par les familles d'otages pour leur libération

Pourtant, la première libération de 110 otages s’est déroulée de façon plus que surprenante, conformément aux accords. 

Il se trouve que le Hamas était demandeur. 

La puissance de l’action et la pression militaire exercée par Tsahal avait surpris le Hamas lequel peinait à s’occuper d’un nombre aussi important d’otages. Il en aurait placé chez des particuliers contre rémunération.

Une fois les otages libérés, le Hamas escomptait poursuivre les négociations et n’avait pas prévu que le cabinet de guerre ordonnerait aussitôt la reprise des combats. Il espérait ainsi mettre fin aux combats grâce à une libération progressive des autres otages.

A bien comprendre cette stratégie, il eut fallu rester l’arme aux pieds et procéder à un échange de prisonniers sur une période estimée de 6 mois à un an, voire sortir de Gaza.

La question a été rapidement éludée.

Car le cabinet de guerre a opté pour la victoire totale ce qui a entraîné le refus du Hamas de toute nouvelle négociation. En décrétant que seule l’action militaire permettrait d’atteindre les deux buts, éradiquer le Hamas et libérer les otages, Netanyahu n’a obtenu aucun des deux.

Faire d’une pierre deux coups! Cette nouvelle conception a fait long feu.

Surtout lorsque Tsahal est sorti de la bande de Gaza et a relâché la pression.

Il y a là un hiatus, une contradiction stratégique que nul n’explique: il eut été possible d’obtenir libération d’otages très tôt en proposant de sortir de Gaza puisque c’était précisément l’exigence répétée du Hamas.

La vérité c’est que Netanyahu n’a pas de stratégie claire sur le jour d’après mais qu’il s’obstine à vouloir vaincre le Hamas pour se couvrir de lauriers. Dans l’immédiat, c’est un demi échec, mais passons.

Et c’est au moment même où il décide de lancer la campagne de Rafah, annoncée comme la prise de la Smalah d’Abdel Kader que les Égyptiens relancent un processus de négociation.

(Rappelons que cette bataille menée par le duc d’Aumale en 1843 fut décisive pour la conquête et la pacification de l’Algérie)

Les intérêts en présence sont différents.

L’Egypte s’angoisse à la seule idée d’un déplacement massif de plus d’un million de Gazaouis qui pourraient franchir sa frontière vers le Sinaï pour fuir les combats.

Elle fait tout pour retarder cette opération.

Biden craint quant à lui une crise humanitaire qui ferait encore fondre ses sondages.

Bibi joue la montre. Les commentateurs s’accordent à considérer que le temps joue pour lui et qu’il s’en joue!

Mais qu’en est il du Hamas? Est il demandeur? Il avait été question de 33 otages, puis de 20.

On a vu qu’il connaît le proverbe africain: « Vous avez les montres, nous on a le temps ». Il sait laisser espérer pour gagner du temps puis rejeter en bloc toute proposition.

Ceci veut il dire que Bibi et Sinouar rament ensemble, mais en sens inverse?

Analysons cette proposition égyptienne.

1) Israël suspend la campagne de Rafah

2) Libération de tous les otages en deux vagues séparées de 10 semaines contre libération des terroristes détenus par Israël, 50 pour un soldat, 30 pour un civil.

3) Cessez le feu pour un an et négociation pour la création d’un État palestinien sous le patronage des USA, de l’Egypte, la Jordanie et l’autorité palestinienne.

Ça ressemble à n’en pas douter au plan de Biden, mais ce serait pour Israël une déculottée sans nom, du moins aux yeux de Netanyahu et de ses électeurs.

Si le Hamas n’est pas mentionné, il est évident qu’il serait incontournable puisqu’il demeurerait maître en son enclave. Et on sait quel sort il a réservé à l’Autorité palestinienne en 2005 lorsqu’il a pris le pouvoir en exécutant ses membres et les activistes du Fatah.

Ce plan coche toutes les cases des exigences du Hamas et de Biden. Bibi a donné son feu vert pour un tour de négociations mais les préparatifs pour entrer dans Rafah devraient se poursuivre pour mettre le Hamas sous pression.

Ce plan pose plusieurs problèmes :

- Tous les otages? Nous n’avons aucune liste

- Rien ne permet de penser que le Hamas ne conservera pas un nombre conséquent d’otages pour faire pression au cours des futures négociations.

- Qui gouvernera à titre provisoire? Israël ne pourra accepter la présence du Hamas dans un futur gouvernement. Or il demeure en place.

Un dignitaire du Hamas a déjà indiqué que cette organisation allait se muer en parti politique pour gouverner légalement la Palestine. La belle affaire! On a vu de quelle manière il a gouverné pendant ces 20 dernières années.

Le ministre des finances Smotrich a d’ores et déjà rejeté ce plan qui sonne comme une défaite et une soumission au Hamas. Il a déclaré « cela ne sera pas ». Avec son acolyte Ben Gvir, il menace de faire tomber le gouvernement si l’opération de Rafah est reportée.

On ne fait jamais la paix qu’avec ses ennemis. Mais le Hamas veut-il la paix ou la concrétisation de ses positions stratégiques? Sa charte prônant la destruction d’Israël ne changera pas.

A vrai dire, ce plan est soit prématuré, soit tardif, soit erroné. Le Hamas n’est pas un partenaire. Il saura faire capoter toute tentative de le mettre hors jeu.

Mais la pression internationale est à son comble. Netanyahu doit choisir entre les otages et la stabilité de sa coalition.

Et chacun fait comme si….Netanyahu espère faire porter au Hamas le poids de l'échec des négociations.

Faire et défaire c’est aussi travailler.


Tsahal l'arme au pied mais prêt à agir

Un peu d’humour noir (Très noir!) pour finir.

Dans les temps reculés, un juif se lance dans l’élevage intensif de poules. Mais un jour, il constate une mortalité inexpliquée. Il s’adresse à un rabbin réputé pour obtenir sa bénédiction et une solution.

Le rabbin lui conseille de mettre 100 poules dans la cave et elles guériront.

Le lendemain, il constate qu’elles sont mortes.

Le rabbin lui conseille alors d’en mettre 100 sur le toit. Ci fait. Mais elles meurent aussi.

Après plusieurs tentatives dans différents endroits, l’éleveur demande au rabbin: alors que fait-on?

Le rabbin: j’ai encore des tas de solutions, mais quoi,  il te reste encore des poules?

Lafontaine en aurait sûrement écrit une belle fable. Netanyahu l’écrit sous nos yeux. Quand nous aurons conquit Rafah, certains prédisent que nous ne libérerons que des cercueils.

Mais les poules ne pouvaient être sauvées. Les tentatives étaient vaines. Le rabbin le savait. Mais pourquoi ôter l’espoir à celui qui souffre. 

A la fin, l’éleveur finit par maudire son conseilleur. Mais avait-il une meilleur solution?

Les familles d’otages feront de même. Elles  ont mis tous leurs espoirs en Netanyahu. Avaient elles le choix. 

Faute de solution imminente, elles feront tomber Bibi. Non parce qu’il savait que les otages étaient perdus, mais parce qu’il les a trompées, Et elles viennent de comprendre que tout n’a pas été fait lorsque c’était possible.

Tout, c’était renoncer à la vengeance. Mais qui se souviendra que le peuple dans sa plénitude appelait à la guerre totale. Le peuple était aveuglé par l’horreur du massacre. Il a abondé dans la conception du double buts vendue par le cabinet de guerre.

Biden avait prédit l’échec de cette stratégie. Il avait déconseillé d’agir par vengeance. Mais alors quoi? Il fallait se limiter à manger son chapeau!

Il y avait deux voies: régler ses comptes avec le Hamas ou avec nos dirigeants qui ont failli. Mais en aucun cas laisser ceux qui ont failli mener la guerre  contre le Hamas. Cela ne pouvait mener qu'à une surenchère d'une guerre multi fronts et friser la catastrophe.

Faire la guerre, c'était masquer ses responsabilités, reporter à plus tard la reddition des comptes. En restant au pouvoir, il fallait agir, en agissant on restait au pouvoir. Le syndrome de la bicyclette. Tant qu'on pédale et qu'on avance, on ne tombe pas.

De nombreuses voix inaudibles avaient exhorté à commencer par négocier la libération des otages, faire le ménage à l’intérieur et régler les comptes avec le Hamas par la suite.

La critique est aisée, c'est l'art qui est difficile.

Et dans le fond, y a t il encore des otages en vie?


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