Lettre 263 Tsahal sans exemption

Israël marche sur la tête.

Tsahal serait une fabrique à mécréants.


Unité de soldats religieux dans Tsahal

Depuis 1948, les étudiants des Yeshivot (Ecoles talmudiques) sont dispensés de service militaire. Il s'agissait à l'époque de 400 jeunes étudiants.


Ben Gourion déclare en 1948:« Tous les étudiants de yeshiva selon les listes approuvées sont exemptés du service militaire. Les étudiants capables recevront une formation d’autodéfense au lieu d’étudier... "

L’objectif à l’époque était d’exempter 400 étudiants de yeshiva en raison du coup sévère subi par le monde des Yeshivot pendant la Shoah, ainsi que du désir de parvenir à des accords avec les dirigeants ultra-orthodoxes. 

En 1958, Ben Gourion posait la question différemment:

« C’est tout d’abord une grande question morale de savoir s’il est approprié que le fils d’une certaine mère soit tué pour défendre la patrie, et que le fils d’une autre mère s’assoie dans sa chambre et étudie en toute sécurité, alors que la plupart des jeunes d’Israël se sacrifient. »

Il aura fallu attendre 66 ans pour qu'il soit enfin répondu à cette question morale.

Ils sont estimés aujourd'hui à 63.000 soit un peu plus de 15% des effectifs militaires globaux.

Cette question de l'intégration de ces étudiants s'est posée avant le 7 octobre car depuis plusieurs années, il était question de réduire le nombre d'exemption.

La Cour Suprême avait annulé la loi d'exemption et fixé des limites afin de faire respecter l'égalité des charges des citoyens devant les exigences sécuritaires.

Les reports successifs venaient à expiration le 30 juin.

(Voir notre lettre N°177 du 17 août 2023 "Tsahal, l'armée du peuple")

Les partis orthodoxes exigeaient une exemption totale et menaçaient à défaut de faire tomber le gouvernement. 

Un vent de rébellion s'était levé au sein même du Likoud dont des membres influents avaient avisé Netanyahu qu'ils refuseraient de voter un texte maintenant l'exemption fut-elle partielle.

Le gouvernement n'ayant pas de majorité pour faire voter un texte conforme aux prescriptions de la Cour Suprême, s'était rabattu sur le projet de loi votée en première lecture (Il en faut trois à la Knesset) à l'initiative de gouvernement antérieur mené par Naftali Bennett.

Ce projet prévoyait une incorporation progressive sur plusieurs décennies mais ne pouvait plus convenir en temps de guerre face aux impératifs sécuritaires.

Ce jour, et sans attendre le 30 juin, la Cour Suprême vient de rendre une décision de principe à l'unanimité des 9 juges imposant à l'Etat de recruter les étudiants des Yeshivot, sans possibilité d'exemption, au nom du principe de non-discrimination.

"Il n'existe aucun cadre juridique permettant de faire la distinction entre les jeunes mobilisables".

Les jeunes israéliens consacrent trois années au service militaire après leur baccalauréat et n'entreprennent donc des études qu'après leur libération à l'âge de 21 ans.

Puis ils sont astreints aux périodes qui peuvent atteindre un mois par an jusqu'à l'âge de 45 ans.

Sacrifice de temps, mais aussi exposition au danger dans un pays en guerre perpétuelle.

La tentation est donc très forte de s'en exonérer. Il suffit pour cela d'intégrer un organisme religieux et il est même apparu que certains ne délivrent d'ailleurs aucun enseignement religieux!

Inversement, en proposant un tel privilège, les établissements religieux attirent une population de plus en plus importante. 

"Venez chez nous, vous économiserez trois années que vous pourrez consacrer à l'étude avec un financement de l'Etat".

A ce sujet, la Cour Suprême a réitéré sont interdiction de verser des subventions aux écoles religieuses dont les étudiants refuseraient leur enrôlement.

Les tenants du maintien de l'exonération expliquent que ces jeunes étudiants vivent différemment et ne sont pas intégrables dans une armée de type laïc. 

C’est une société qui vit différemment, sans mixité, sans accès internet, sans étude des matières classiques. Leur vie est guidée par les principes religieux stricts e se consacrant de façon exclusive à l’étude de la Torah.

La crainte majeure est de voir ces jeunes se perdre dans un monde laïc qu’il ne connaissent pas et qui risque de les détourner de les pervertir.

Comment garantir que ces jeunes juifs orthodoxes sortiront de trois années de service militaire sans perdre leur âme!

Les partis religieux affirment que les juges de la Cour Suprême ne comprennent pas l'importance capitale de l'étude de la Thora pour laquelle le pays a été fondé et sans laquelle Israël ne pourra persister.

Certains ont même soutenu que les différentes guerres n'ont été gagnées de façon miraculeuse que grâce à la prière et qu'il faut que les étudiants des Yeshivot prient pour que les soldats soient vainqueurs.

Les prières sont certes utiles, mais ça va tellement mieux en tenant un fusil!

Cette décision judiciaire met un terme à la polémique. Tout le monde doit être incorporé. Un point c'est tout!

En temps de guerre, cette invitation ressemble à une Lapalissade. Pourtant elle ne va pas de soi.

Les réservistes croulent sous les "Tsav 8" (Ordre de mobilisation) qu'ils reçoivent à peine revenus dans leur foyer. Certains sont au front depuis près de 9 mois sans discontinuer.

Il y a des milliers de soldats blessés difficiles à  remplacer.

Egalité des citoyens. Un principe qui nous parait tellement élémentaire. 

Mais Ben Gourion en accordant cette exemption à une poignée d'étudiants, n'imaginait pas que 75 ans plus tard, elle serait toujours en vigueur et poserait un problème politique majeur.

L'exception est devenue la règle. Un dû, un droit!

Certes, on ne va pas les expédier directement au front comme chaire à canon comme en 14-18.

Mais il y des solutions à toute situation fut-elle délicate. Tsahal a besoin de mains, pas seulement dans les unités d'élite. 

Et qui dit qu'ils ne pourraient en faire partie?

Reste à savoir ce que vont faire les partis religieux. 

Quitter le gouvernement? 

Chercher des solutions alternatives? Faire voter une loi plus consensuelle? Au Likoud une fronde du refus s’est levée. L’unité de vote est rompue. 

Les jeunes futures recrues avaient déjà annoncés qu'ils préfèrent la prison à l'armée.

Effet d'annonce?

Il est vrai qu’un enfant qui a toujours vu son père en uniforme pendant ses périodes de réserve trouve tout naturel de s’enrôler; ce qui n’est pas le cas de la société des juifs orthodoxes. Il faudra attendre une génération pour que les choses s’équilibrent.

Mais il y a aussi la question de sanctions contre les réfractaires. Il serait question de les priver temporairement de certains droits. De certains services publics. 

Tsahal devra faire preuve de créativité pour une incorporation en douceur. Au moins pendant les premiers mois, sinon plus.

On n'est pas des sauvages!!!

Il y aurait donc 63.000 jeunes en âge d'être incorporés le 1er juillet. Nos prières les accompagnent.

Rome ne s'est pas fait en un jour.

Dans un premier temps Tsahal annonce l'incorporation de 3000 recrues sur les 17000 jeunes éligibles.

La aussi des arbitrages consensuels devront être trouvés.

Le principe est désormais fixé: Troquer son cafetan et son shtreimel (Chapeau typique des juifs orthodoxes) pour l'uniforme déformé de Tsahal. Tout en conservant barbe et peyotl!!

L'étude de la thora et des armes doivent faire bon ménage. Et pourquoi non? Il y a déjà tant de juifs religieux qui servent dans Tsahal sans difficultés.

Et on peut s'interroger sur la nécessité de vivre en Israël comme dans le ghetto de Varsovie, avec des habits noirs sous un soleil de plomb.

Mais ce qui est bon pour le froid est bon pour le chaud dit le dicton.

Il est grand temps que les monde ultra orthodoxe se regarde de l'extérieur et pense à revoir sa copie. Aucune loi divine n'exige qu'un juif vive différemment de ses congénères ni qu'il se place en dehors de la société. 

Le respect des percepts religieux doit s'accorder avec la vie moderne sans renoncer à la retenue (Tsnihout) qui s'impose.

C'est l'histoire du chapeau.



Un juif de Varsovie nommé Moïchele  voulait vendre son shtreimel pour 50 zloties. 

"Cest trop cher!" lui rétorque son copain Yankele.

Il se met alors à brosser le chapeau pour le rendre plus neuf que neuf.

"Et maintenant tu me donnes 50 zloties"

L'autre regarde avec mépris.

Et il continue à brosser le chapeau qui donne vraiment l'aspect du neuf.

Yankele n'en démord pas: "Je te donne 30 zloties".

Moïchele jette le chapeau au sol et le piétine de rage "Tiens, prends le pour 30 zloties".

En France, on dit que l'habit ne fait pas le moine. En Israël on dit qu'il vaut mieux un juif sans barbe qu'une barbe sans juif!

Mais un juif avec barbe, cafetan et shtreimel peut aussi faire bon soldat, et imprimer sa foi dans une armée par trop laïcarde.

Ce défi mérite d'être relevé. Les juifs orthodoxes en ont le pouvoir. Reste à en avoir la volonté. 

Jérusalem ne s'est pas non plus faite en un jour.

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